Patacara est la jolie fille d’un riche marchand dans la cité de Savatthi. Lorsqu’elle avait seize ans, ses parents l’enfermèrent au dernier étage d’une haute tour de sept étages, en envoyant de nombreux gardiens pour la surveiller, afin d’éviter qu’elle n’entrât en contact avec de jeunes hommes. Sous ces dispositifs préventifs, Patacara tomba quand même amoureuse d’un domestique de ses parents.
La fugue et la naissance d’un enfant avec son amant
Lorsque ses parents planifièrent son mariage avec un jeune de même rang social, elle décida de s'enfuir avec son amant. Elle se déguisa en servante et s’échappa de la tour pour retrouver son amant dans la cité, puis ils allèrent habiter dans un village éloigné de la cité de Savatthi. Là-bas, le mari comptait sur la cultivation d’un lopin de terre pour se nourrir, tandis que la jeune épouse faisait tous types de petits travaux insignifiants, ce dont s’étaient occupés ses parents et ses domestiques auparavant ; elle supportait ainsi en silence les conséquences de ses propres actes.
Pendant sa grossesse, elle pria son mari de la ramener chez ses parents pour accoucher. Elle disait que les parents aimaient toujours leurs enfants et que ses parents allaient les pardonner pour toutes les erreurs commises. Mais le mari refusa car il craignait d’être arrêté, voire tué par ses beaux-parents. Lorsqu’elle comprit qu’il n’accepterait pas cette demande, elle décida de partir seule. Ainsi, un jour, lorsque son mari était parti au travail, elle quitta la maison pour aller dans la cité de Savatthi. Quand le mari apprit la nouvelle par les voisins, il partit immédiatement à sa recherche et la rattrapa rapidement. Bien qu'il essayât de la persuader de rentrer chez eux, elle ne l'écouta pas et continua encore à avancer. Avant qu’ils n’arrivassent dans la cité de Savatthi, elle commença à ressentir des contractions douloureuses, et accoucha rapidement d’un petit garçon. Comme il n’y avait plus de raison pour aller chez ses parents, ils retournèrent donc chez eux.
La mort du mari et des fils
Au bout d’un certain temps, Patacara tomba une deuxième fois enceinte. Elle pria encore une fois son mari de la ramener chez ses parents. Il refusa toujours, elle partit alors seule de nouveau, mais cette fois-ci, elle emmena son fils avec elle. Lorsque son mari la rattrapa et la persuada de rentrer chez eux, elle insista toujours. Ainsi, ils allèrent ensemble dans la cité de Savatthi. A mi-chemin, ils furent tout à coup face à une tempête de saison, avec du tonnerre, des éclairs et de fortes pluies. A ce moment-là, ses contractions douloureuses commençaient à se faire ressentir.
Elle demanda à son mari de trouver un abri, ce dernier alla alors chercher du matériel pour en construire un. Lorsqu’il coupait des arbres, un serpent vénimeux caché dans une fourmilière jaillit soudain pour le mordre. Son venin ressemblait à des coulées de lave, le mari tomba rapidement par terre sans pouvoir se lever. Patacara l’attendait encore et encore, en vain, son deuxième fils naissait. Toute la nuit, les deux enfants étaient effrayés par la tempête, ils pleuraient tellement qu’ils perdaient leur voix et étaient épuisés, mais la seule personne qui pouvait les protéger était leur mère ; pour les abriter, celle-ci ne pouvait qu’utiliser son corps mince et fragile qui avait supporté de nombreuses souffrances et désastres.
Dans la matinée, elle porta le nouveau-né en tenant le fils aîné avec une main et alla vers le chemin emprunté par son mari ; elle dit : « Viens, mon cher enfant, ton père nous a déjà quittés. » Quand elle se pencha sur le chemin, elle trouva son mari allongé, décédé depuis un moment, le corps raide comme une planche. Elle erra en pleurant dans cet endroit et se reprocha sa mort, puis elle continua sur son chemin.
Après avoir marché pendant un certain temps, ils arrivèrent à la rivière Aciravati. Suite à fortes pluies, la rivière était en crue, son niveau atteignant les hanches et le débit était aussi très rapide. Patacara se sentait trop faible et était incapable de traverser la rivière avec les deux enfants en même temps. Elle laissa donc le fils aîné au bord de la rivière et emmena d’abord son bébé jusqu’à l’autre rive, puis elle revint chercher l’aîné.
Lorsqu’elle fut au milieu de la rivière, un viel aigle à la recherche d’une proie vit le nouveau-né ; en pensant que c’était un morceau de viande, il plongea, saisit le bébé avec ses pattes et s’envola dans les airs, tandis que Patacara ne pouvait que regarder et crier en restant à côté toute impuissante. Le fils aîné vit sa mère arrêtée au milieu de la rivière et entendit ses cris ; il crut qu’elle était en train de l’appeler et voulut donc traverser la rivière, mais lorsqu’il mit un pied dans l'eau, il fut immédiatement emporté par les cours d’eau.
La mort des parents et du frère
Patacara, attristée et en larmes, continua le chemin ; les tragédies qui tombaient successivement sur elle l’avaient rendue au bord de la folie ; elle avait perdu en une journée son mari et ses deux fils, mais des événements encore plus malheureux étaient encore à venir.
Quand elle s’approcha de la cité de Savatthi, elle rencontra un passant qui sortait de la cité et lui demanda la situation de sa famille. « A part cette famille, demandez-moi sur n’importe quelle famille. » Il lui dit : « Ne me demandez pas sur cette famille. » Mais elle insista, alors il ne pouvait ne pas dire : « Dans la terrible tempête de la nuit dernière, leur maison s’est effondrée, le vieux couple et leur fils sont morts écrasés, les trois personnes viennent juste d’être incinérées ensemble là-bas il y a un instant. » En pointant du doigt vers un endroit au loin où une fumée s’élevait, il dit : « Ce que vous voyez est la fumée de leur crémation. » Lorsque Patacara vit la fumée, elle devint subitement folle. Elle déchira ses vêtements, courut toute nue et cria en pleurant : « Mes deux fils sont morts, mon mari est aussi mort au bord de la route, mes parents et mon frère sont également incinérés ! » Les gens qui la voyaient l’appelaient tous la femme folle, ils lui jetaient des ordures et de la boue sur son corps, mais elle courait toujours tout droit jusqu’aux environs de la cité de Savatthi.
Des larmes plus abondantes que les quatre grands océans
A cette époque, le Bouddha habitait dans le monastère Jetavana, avec beaucoup de disciples autour de Lui. Lorsqu’Il vit Patacara devant la porte du monastère, Il savait qu’elle était déjà prête et pouvait accepter Sa voix du Dharma sur la délivrance. Les disciples laïcs criaient : « Ne laissez pas cette folle entrer ! » Mais le Bouddha dit : « Ne l’en empêchez pas, laissez-la venir vers moi ici. » Lorsqu’elle s’approcha, Il lui dit : « Sœur, restaurez votre pensée juste ! » Elle restaura immédiatement sa pensée juste. Une personne bienveillante lui donna un vêtement qu’elle porta ; elle alla vers le Bouddha, se prosterna devant Ses pieds et lui relata sa triste histoire.
Le Bouddha écouta avec patience jusqu’à ce qu’elle finît de parler, puis répondit, rempli d’une compassion profonde : « Patacara ! N’errez plus de nouveau, vous avez trouvé l’endroit pour refuge. Ce n’est pas seulement aujourd'hui que vous rencontrez des désastres ; depuis le tout début (d’innombrables vies antérieures), vous pleurez toujours pour la perte des enfants et de la famille. Les larmes que vous avez versées sont plus abondantes que les quatre océans. » Lorsqu’Il continuait de parler du danger de la réincarnation, la tristesse de Patacara cessa. Le Bouddha termina son enseignement par la gatha suivante :
Tourmentée par la tristesse et la souffrance, en comparant avec mes larmes qui coulent,
Les quatre océans sont seulement de faible quantité. Toi fille, pourquoi te laisses-tu encore aller sans observer les préceptes ?
On ne peut pas compter sur le fils, ni sur les parents et la famille ;
Car tout le monde est poursuivi par la mort, on ne peut donc compter sur la famille et les amis.
Comme ils ont déjà compris cette réalité, les sages pratiquent les préceptes avec pureté,
Ils devraient pouvoir rapidement entrer dans le Nirvana, voie de la délivrance.
Ces mots du Bouddha pénétraient profondément dans son coeur ; elle pouvait comprendre complètement la théorie de l'impermanence de tous les phénomènes et de la souffrance de tous les phénomènes. Lorsque le discours du Bouddha fut terminé, ce n’était plus une femme folle en larmes qui était assise à Ses pieds, mais une personne illuminée ayant atteint l’état de Srotapanna (premier état désignant l’entrée dans le courant), c’était une personne qui pouvait certainement atteindre la délivrance absolue.
Eteindre le feu de l’avidité, de la colère et de l’ignorance pour toujours
Après avoir atteint l’état de Srotapanna, Patacara fit immédiatement la requête pour entrer dans la vie monastique et pour recevoir les préceptes. Le Bouddha la confia alors aux bhiksunis. Après être entrée dans la communauté des bhiksunis, Patacara pratiqua avec diligence, elle atteignit rapidement l’éveil, atteignant son objectif. Il y avait des versets la concernant dans Les Gathas des Aînées《長老尼偈》. Elle décrivait son propre processus de la pratique de la manière suivante :
Vous labourez la terre, et y déposez des semences,
Pour vous occuper de vos femme et enfants, les jeunes obtiennent ainsi de la richesse.
Pourquoi j’observe les préceptes avec pureté, et je pratique aussi l’enseignement du Bouddha,
Sans être paresseuse ni orgueilleuse, et je n’arrive pas encore à atteindre l’état de Nirvana ?
Après avoir lavé mes pieds, j’observe l’écoulement de l’eau.
Je vois l’eau lavant les pieds tomber goutte à goutte, et couler du haut vers le bas.
Mon esprit se concentre sans être dispersé, comme un bon cheval bien dompté.
Je tiens une lampe et entre dans le kuti, en observant minutieusement sur le lit affaissé.
Puis, je prends une petite aiguille, éteins le feu de la lampe à huile,
Mon coeur s’est finalement délivré, comme la lampe à huile éteinte.
Patacara observait l’eau couler doucement vers le bas ; elle pouvait noter qu’il y avait des cours d’eau qui pénétraient rapidement dans la terre, d’autres qui coulaient plutôt loin, et d’autres qui coulaient jusqu’au fond de la descente. Elle réalisa que ceci était le côté parfait du monde des êtres : il y avait des personnes qui avaient une vie courte comme ses enfants ; d’autres qui vivaient jusqu’à l’âge adulte, comme son mari ; et aussi d’autres qui vivaient jusqu’à un âge avancé, comme ses parents. Cependant, tous les cours d’eau auraient fini par pénétrer dans la terre. Par conséquent, l’esprit de la mort trouverait tous les êtres, sans que personne ne pût échapper à sa paume.
Lorsque Patacara réalisa ce point, son cœur s’apaisa immédiatement. Dans la méditation, elle pensa à l’impermanence de tous les phénomènes, de la souffrance et du non-soi ; bien qu’elle pratiquât avec diligence et persévérance, elle n’avait toujours pas réussi à percer le dernier stade de la délivrance. Elle était fatiguée et décida d'aller se coucher. Lorsqu’elle entra dans le kuti, elle s’assit sur le lit, et au moment d’éteindre la lampe à huile, la réalisation de la pratique d’autrefois apparut entièrement devant elle. A cet instant, au moment où la lampe s’éteignait, la plus haute sagesse surgissait, elle atteignit l’état d’Arhat. Enfin, elle atteignit aussi son objectif – le Nirvana, éteignant le feu de l’avidité, de la colère et de l’ignorance pour toujours.
Pratiquer avec diligence les préceptes, "la première dans l’observance des préceptes"
Durant sa vie de bhiksuni, Patacara était nommée "la première dans l’observance des préceptes" par le Bouddha ; sa place parmi les femmes était équivalente à celle de l’aîné Upali, "le premier dans l’observance des préceptes" parmi les bhiksus (moines). Cette appellation était la conséquence du voeu principal ancien.
D’après les sutras, durant la période de l’enseignement du Bouddha Padumuttara (蓮華上佛), Patacara avait déjà vu que le Bouddha Padumuttara avait nommé une bhiksuni aînée « la première dans l’observance des préceptes » parmi les bhiksunis (nonnes) ; elle avait vu que le Bouddha Padumuttara avait pris le bras de la nonne et l’avait invitée à entrer dans le ciel de Nandanavana (歡喜園).
Elle émit sur le moment ce vœu : « Sous le siège d’un Bouddha comme Vous, je souhaite pouvoir devenir parmi les nonnes, la première dans l’observance des préceptes. » Le Bouddha Padumuttara étendit son coeur jusqu’à l’avenir, sachant que son souhait allait se réaliser, Il prédit alors qu’elle atteindrait l’éveil.
Peut-être à cause de son vécu de grandes souffrances karmiques liées à des actes irréfléchis de son jeune âge, Patacara faisait naturellement très attention aux préceptes. Au sein de la communauté des nonnes, elle apprit à pratiquer intensivement au travers des préceptes, ce qui était une condition nécessaire pour parvenir au calme et à la stabilité paisible. En outre, grâce à sa propre expérience, elle acquit une plus profonde compréhension sur le mode de fonctionnement du coeur des gens, ce qui lui permettait d’aider les autres nonnes dans leur pratique. Beaucoup de bhiksunis venaient lui demander de les guider et obtenaient de grandes consolations grâce à ses conseils.
Guider les autres nonnes pour obtenir la délivrance
Un des exemples est la nonne Canda qui exprimait dans Les Gathas des Aînées sa gratitude vis-à-vis de Patacara :
L’extrait des gathas en version chinoise uniquement
Une autre nonne Uttara évoquait comment Patacara parlait des préceptes et des disciplines à un groupe de nonnes :
L’extrait des gathas en version chinoise uniquement
Uttara garda dans son cœur les paroles de Patacara, elle obtint ainsi les trois types de connaissances sages et véritables.
Dans Les Gathas des Aînées, il y a un enregistrement qui décrit comment Patacara guide les autres nonnes comme d’habitude, ainsi que les bénéfices qu’elles ont obtenus grâce à ses conseils. D’après l’explication de la dernière page, ces gathas sont citées par trente nonnes inconnues, elles exprimaient l’atteinte de l’état d’Arhat devant Patacara :
L’extrait des gathas en version chinoise uniquement
Mener une vie monastique dans de nombreuses vies, accumuler des vues sages
Patacara pouvait si rapidement passer d’une jeune fille frivole vers une aînée dans la communauté du Sangha, parce qu’elle avait déjà accumulé les mérites nécessaires dans ses vies antérieures. Il est dit que devant le siège de multiples Bouddhas dans ses vies passées, elle avait déjà mené de nombreuses fois une vie monastique pour devenir une nonne.
Les vues sages qu’elle avait accumulées étaient dissimulées sous les actes dans ses vies ultérieures, en attente des moments matures et propices.
Lorsque son maître, le Bouddha Gotama Siddhartha, apparut, elle Le trouva rapidement ; poussée par la force motrice de la souffrance et de la subconscience, elle s’efforça de trouver la méthode de délivrance du cycle infini de vie et de mort. Sous le guide du Bouddha et de son enseignement pour la délivrance, elle mena une vie monastique et atteignit la délivrance "sans agir". |