Bhiksuni Uppalavanna
 
Source : Internet
Ecrit par le Maître moine Shengyan
( 1 )
Un jour, le Vénéré du Monde Sakyamuni relata cette histoire au public dans le monastère de Venuvana à Rajgir :

Autrefois, il y avait un très riche marchand de statut social élevé qui épousa une jeune et belle femme ; ils menaient une vie heureuse, la femme suivait toujours son mari et ils étaient très amoureux.

Cependant, un paysan ne pouvait pas ne pas cultiver, un fonctionnaire ne pouvait pas ne pas gérer les affaires, un ouvrier ne pouvait pas ne pas aller au travail ; en tant que marchand, le mari ne pouvait pas toujours rester avec sa femme.

Finalement, en raison de la gestion des affaires, le marchand nouvellement marié fut contraint de se séparer de sa femme. Au moment du départ, il consola sa femme à plusieurs reprises, en disant que pour ce voyage, il reviendrait sûrement rapidement et que le trajet ne serait pas trop long. Cependant, après avoir quitté la maison, à cause des difficultés de transport, il partait pour une très longue période, comme un cerf-volant dont le fil était coupé, sans même donner la moindre nouvelle.

Sa femme attendait et espérait avec tristesse, supportant la solitude dans la chambre ; un jour, deux jours, un mois, deux mois, un an, deux ans... elle passait son temps dans l’ennui et la lassitude.

Lorsqu’une jeune femme demeurait seule chez elle, c’était déjà quelque chose de dangereux. Sans parler de cette jeune femme qui ne supportait pas la solitude, surtout quand elle se rappelait de la vie de couple juste après le mariage, de ces moments de joie mentale et physique, sa fonction physiologique produisait une forte réaction comme si elle était poussée dans la fosse à feu, ce qui rendait souvent ses veines gonflées, ses méridiens contractés, c’était si insupportable qu’elle avait du mal à respirer ! Cependant, hormis le fait qu’elle se plaignait de sa propre vie de malheur, elle n’avait jamais commis d’actes déshonorants.

Le pire, c’était qu’il y avait une femme prostituée qui habitait près de sa demeure ; la plupart du temps, des jeunes hommes passaient dans le coin ; ces bruits de plaisir et de luxure se répandaient de temps en temps dans l'air et entraient dans ses oreilles, en tapotant sur son cœur solitaire.

Un jour, alors qu’elle s’ennuyait chez elle, une vieille femme qu’elle connaissait depuis longtemps arriva. La vieille dame savait qu’elle avait des soucis en voyant son attitude ; elle entama ainsi la conversation en voulant la réconforter et lui demanda alors : « Avez-vous besoin que je vous aide dans quelque chose ? »

« Non, rien, merci ! » La jeune femme voulait évoquer ses sentiments au fond d’elle, mais par timidité, elle ne disait rien.
« Je pense que vous avez certainement des difficultés, ne soyez pas gênée, dites-le moi. »
« Il n’y a vraiment rien. » La jeune femme réfléchit un instant, en pensant après tout à ce qu'elle allait dire : « Sans rien vous cacher, je suis une femme misérable et j'espère vraiment qu'il y aura un bon moyen pour que mes souhaits soient réalisés et que je sois satisfaite. »
« J'ai beaucoup entendu parler des voeux. » La vieille femme continua de dire : « Je suis bouddhiste, il n’y a pas de Bouddha dans l’ère actuelle, mais il y a un Pratyeka-Bouddha qui vient souvent demander l’aumône dans le monde. Si on peut le rencontrer, lui faire offrande respectueusement de nourriture et de tous types de matériels, vous pouvez obtenir tout ce que vous désirez. »

Par coïncidence, quelques jours plus tard, ce Pratyeka-Bouddha put être rencontré par la jeune femme, et celle-ci lui fit tous types d’offrandes selon les règles du Dharma. Le Pratyeka-Bouddha insista sur l’enseignement au travers des actes ; ainsi, après avoir reçu les offrandes, il ne donna pas de discours de Dharma, mais fit toutes sortes de transformations surnaturelles afin que la donatrice pût initier le respect et semer des racines vertueuses. Après avoir manifesté les pouvoirs surnaturels, il demanda à la jeune femme : « Que désirez-vous ? »

La jeune femme se prosterna immédiatement et le supplia à terre ; comme elle pensait qu'elle avait été abandonnée par son mari à cause de son apparence laide, ses voeux étaient les suivants : « De par la force fortunée de cette offrande au Pratyeka-Bouddha, que dans la vie future, j’obtienne un corps pur et majestueux comme la fleur de lotus avec toute sa couleur et son parfum ; que je sois charmante, sans manquer d’hommes selon mes désirs ; que j’acquière de grands pouvoirs surnaturels comme le Pratyeka-Bouddha ; et que je puisse rencontrer les gens sages et vertueux, les Bouddhas, et Leur faire offrande. » Lorsqu’elle leva la tête après avoir fini de faire ses vœux auprès du Pratyeka-Bouddha, ce dernier avait déjà disparu sans laisser de traces.

Etant donné que ses souhaits concernaient la vie future et à cause de son karma, son mari marchand n'était jamais revenu. Ainsi, même si elle préservait fermement sa virginité sans se remarier, sa mentalité devenait plutôt anormale. Comme elle ne pouvait pas profiter de la vie heureuse d’un couple marié, elle se spécialisait dans l’arrangement des mariages pour les autres, pouvant même atteindre l’objectif d’adultère sans tenir compte des liens de parenté des gens, entre père et fille, mère et fils, frère et soeur, etc.

Lorsque Bouddha Sakyamuni relata jusqu’ici, Il dit clairement au public : « C'est la vie précédente de Bhiksuni Uppalavanna, pour tout ce qu'elle avait souhaité et fait, elle en récoltait des effets karmiques correspondants durant cette vie. »

( 2 )
A l'époque de Bouddha Sakyamuni, il y avait un homme bien renommé (un gentilhomme) dans la ville de Taxila ; moins d'un an après son mariage, sa femme donna naissance à une petite fille. Cette fille n’était pas comme les autres ; son corps avait une apparence que la plupart des filles n’avaient pas : dès sa naissance, on pouvait voir sa peau lisse et tendre comme une nouvelle pétale de la fleur de lotus, ainsi que sa couleur de peau transparente et claire comme un voile couvrant son corps rosé ; à première vue, elle ressemblait à une fleur de lotus qui venait d’éclore à la surface d’un étang céleste ; son corps pur rayonnait aussi d'une lueur dorée ; ses yeux étaient verts ; ce qui était le plus rare, c’était qu’à sa naissance, son corps émettait naturellement un parfum étrange, comme la fleur de lotus.

Ce type de miracle était également rare bien que ce fût en Inde de l’époque. Par conséquent, en quelques jours, il y avait beaucoup de gens qui venaient voir, suite à cette rumeur. En particulier, les membres et les amis de sa famille partageaient une gloire distinguée grâce aux traits merveilleux et particuliers du corps de la petite fille.

A cette époque, en Inde, 21 jours après la naissance des nouveau-nés, on devait inviter la famille et les amis pour la fêter ensemble, ce qui correspondait à la grande cérémonie pour l’attribution des noms. Naturellement, en raison de l’apparence physique de la petite fille, de sa lueur dorée comme l’étamine de lotus, de ses yeux verts comme la feuille de lotus, de sa peau blanche et rosée comme la pétale de lotus, de son parfum comme celui de la fleur de lotus, tout le monde décida donc que son nom fut "Uppalavanna" (signifiant Couleur du lotus).

Peu à peu, Uppalavanna grandissait. Les femmes indiennes se développaient de manière prématurée, à environ 10 ans, elles devenaient très matures. La renommée de la beauté d’Uppalavanna était déjà répandue aux quatre coins, les personnes qui venaient lui demander sa main étaient bien sûr nombreuses, et elle épousa finalement le fils d’un autre gentilhomme de la ville sous les différents liens karmiques. C'était le mariage d’un couple assorti.

Peu de temps après, le père d’Uppalavanna mourut de maladie, laissant sa mère seule dans la maison. Heureusement, Uppalavanna était enceinte et allait bientôt accoucher ; selon la coutume indienne, la femme mariée devait retourner chez ses parents pour accoucher. Ainsi, avec son mari, elle revint chez sa famille, en restant près d’une mère nouvellement veuve et encore jeune, pour attendre la naissance d’un bébé.

Plus tard, Uppalavanna accoucha, c'était une fille qui lui ressemblait un peu ; Uppalavanna était donc très heureuse.

Mais Uppalavanna tomba aussi par hasard sur une affaire immorale et malheureuse : elle vit son mari dormir intimement avec sa mère veuve. Evidemment, ce n'était plus la relation entre la belle-mère et le beau-fils, sa mère avait partagé son mari et son mari avait pris possession de sa mère.

A ce moment-là, Uppalavanna ressentit au fond d’elle de la haine, de la colère, du ressentiment, de l'inquiétude, de la gratitude, de la souffrance, toutes sortes de sentiments mélangés. Elle aimait sa mère et aussi son mari, mais ses proches bien-aimés avaient fait, derrière son dos, un acte immoral qu’elle ne pouvait pas supporter. Dans son cœur, elle voulait vraiment faire irruption dans la chambre de sa mère et attraper cet homme et cette femme sans pudeur ; mais elle comprenait la vie de veuve de sa mère et avait de la sympathie pour la jeune mère endeuillée ; et elle comprenait également le besoin de son mari, comme elle n’avait pas pu remplir les obligations d’une femme durant sa période prénatale et postnatale. Par conséquent, pour l'adultère entre sa mère et son mari, elle ressentait à la fois une aversion extrême et de la pitié pour ce couple. Elle prit ainsi la décision de se sacrifier ; afin de satisfaire sa mère, elle ne pouvait qu’abandonner sa famille et s’enfuir de la maison.

Toutefois, elle voulait quand même que son mari pût comprendre la motivation de son départ. Quand son mari sortit de la chambre de sa mère, elle prit furieusement le bébé et le jeta à son mari, puis l’insulta : « Voyou, tu es pire qu’un animal ! Puisque tu n’as pas la notion entre une vieille et une jeune personne, maintenant ta fille est ici, tu n’as qu’à la prendre aussi pour libérer ton désir animal ! » Une personne qui avait commis des erreurs était toujours en panique ; lors de cet affolement, son mari n'attrapa pas la petite fille, provoquant ainsi le choc de l’arrière-cerveau de la petite fille contre un poteau en bois ; la petite avait la peau déchirée et perdait du sang. Même si cette scène était ancrée profondément dans la mémoire d’Uppalavanna en raison de son amour maternel naturel, elle ne pouvait s’empêcher de ne pas s’enfuir résolument et indifféremment de la maison avec la colère du moment.

Maintenant, Uppalavanna était une femme malheureuse et sans-abri ; ayant quitté la maison de sa mère, elle ne voulait pas non plus rentrer chez son mari. Elle pensait : puisqu’elle avait décidé de s’enfuir, il valait mieux partir loin, s’éloigner de sa ville natale de Taxila, aller vers un lieu lointain pour trouver une autre façon de vivre.

En effet, elle était une femme après tout, qui n’était jamais partie seule et loin ; dans l'Inde de l’époque, le transport n’était pas du tout pratique ; pour aller d'une ville à une autre, on devait souvent marcher plusieurs jours, voire des dizaines de jours ; il y avait très peu de monde sur le chemin, encore moins de villages où l’on pouvait faire escale pour dormir ; les marchands se joignaient tous ensemble pour partir ; sinon, s’ils rencontraient des bandits sur le chemin, c’était désastreux. C’était encore plus le cas pour Uppalavanna qui était une jeune femme seule. Ainsi, une fois éloignée de la ville, elle s’asseyait au bord de l’eau sous un grand arbre, n’osant plus avancer. Après s’être assise, elle se souvenait de la scène horrible qu’elle venait de voir, puis elle pensait à son avenir incertain ; elle ne pouvait s’empêcher de ressentir de la tristesse et commença à verser des larmes. En pleurant, elle vit par hasard son reflet dans l'eau, un visage baigné de larmes, une belle femme avec les sourcils froncés, vraiment comme une fleur de lotus épanouie, mais qui avait subi les ravages de la tempête. Comme une belle fille avait souvent une vie malheureuse, elle était ainsi en train de se demander si elle devait sauter dans l'eau pour mettre fin à sa vie qui n’avait plus d’intérêt.

Ce fut à ce moment-là que son sauveur arriva ; un groupe de marchands passa par coïncidence par-là, le chef de l’équipe avança immédiatement près d’elle et lui demanda avec beaucoup d’attention et de sympathie : « Demoiselle, avez-vous des problèmes ? »
« Non, c'est juste que je pense que je ne veux pas continuer de vivre. »
« Pourquoi ? Je peux vous aider ? »
« Il n’y a pas de pourquoi, vous ne pouvez pas m'aider. »
« Vous n’avez pas de famille ? »
« Si, mais je ne veux pas de cette famille. »
« Avez-vous des parents et un mari ? »
« Oui, mais mon père est mort et ma mère a pris possession de mon mari. »
« Oh je vois. » Ce chef des marchands en la voyant si jolie, ressentit de l’amour compatissant pour elle et dit alors : « Je retourne maintenant à la ville de Varanasi où se trouve ma maison. Après la mort de ma femme, il y a très peu de personnes chez moi, et si vous voulez, vous pouvez d’abord venir habiter chez moi et l’on verra ensuite. »

Ainsi, Uppalavanna arriva chez ce gentilhomme marchand dans la ville de Varanasi ; après avoir été une invitée, elle devint ensuite la maîtresse de maison et eut alors un deuxième domicile.

Pour la vie des marchands, le temps passé à la maison était toujours court et celui passé à l’extérieur était long ; après être resté quelques années chez lui, le marchand, mari d’Uppalavanna, devait aller de nouveau dans la ville de Taxila pour faire du commerce. Uppalavanna connaissait bien la norme sociale de son village natal ; tout était bien là-bas, sauf la notion de virginité féminine qui était très mauvaise. Ainsi, elle était très inquiète que son mari allait faire du commerce dans son village natal ; elle conseilla à plusieurs reprises son mari d’être vigilant, de protéger son corps et de ne pas tomber dans le piège des femmes vicieuses. Son mari lui faisait bien sûr tous types de promesses et jura aussi devant elle : il n'aimerait plus jamais une autre femme hormis une femme comme elle.

En fait, les paroles devant les femmes et venant de la bouche des hommes étaient pour la plupart peu fiables ; afin de gagner la faveur des femmes et espérer que les femmes offriraient leur amour, les hommes pouvaient dire tous types de bonnes paroles, baisser la limite de leur dignité au plus bas niveau, et même être prêts à travailler comme un esclave ou un valet pour une femme. De plus, ils pouvaient faire tous types de promesses ; tant qu’ils aimaient une femme, celle-ci était considérée comme une déesse descendue du ciel, les autres femmes étant toutes laides. Mais, lorsqu’ils arrivaient dans une autre situation et rencontraient une autre femme charmante, ils se comporteraient de la même manière pour gagner la faveur et la confiance de cette femme.

Le mari d’Uppalavanna arriva dans la ville de Taxila, et en raison de besoins commerciaux, il y demeura pendant de nombreuses années. Les hommes d'affaires gagnaient de l'argent dans des gestions aventureuses et ils cherchaient aussi souvent du plaisir dans une vie stimulante. Quant à la vie stimulante, il s’agissait souvent de bons vins, de belles femmes et des jeux d’argent. Pour le mari d’Uppalavanna, afin de montrer vraiment son amour profond pour la beauté et la vertu d’Uppalavanna, et de tenir sa promesse à son épouse, il se comportait en effet correctement dans les premiers temps ; mais encouragé par de nombreux amis, il finissait par dire en plaisantant ses conditions : « Je n'aime que le genre de femme comme Uppalavanna, j'ai aussi exprimé ce type d’attitude à Uppalavanna ; je n’aimerai une femme que si elle est comme Uppalavanna. »

Ce fut aussi une coïncidence, ce jour-là, c'était la fête des jeunes filles dans la ville de Taxila ; toutes les filles de la ville étaient habillées de manière séduisante et se rassemblaient dans un endroit pour s’amuser. Le mari d’Uppalavanna et ses amis d'affaires allaient aussi pour se joindre à la fête, voir des femmes et des jeunes filles célébrer leur fête. Mais ils remarquèrent une fille, qui ressemblait presque exactement à Uppalavanna. En peu de temps, ses amis d’affaires avaient trouvé le nom, l'âge, l'origine de la jeune fille et ils avaient même obtenu le consentement de son père ; ils avaient payé la dot demandée et avaient accompli toutes les procédures de mariage ; à moitié poussé, le mari d’Uppalavanna vivait ensemble avec la jeune fille.

Peu de temps après, le mari d’Uppalavanna, accompagné de sa seconde épouse, une jeune mariée, revint dans la ville de Taxila, mais il n'osa pas la ramener chez lui, craignant de mettre en colère Uppalavanna. Il construit alors une nouvelle maison pour cacher sa femme ; il plaça la moitié de son patrimoine dans cette nouvelle maison et ramena l'autre moitié dans sa première demeure. Interrogé par Uppalavanna sur ses affaires, il répondit : « Cette fois pas de chance, lors du trajet de retour, nous sommes tombés sur des bandits qui ont pillé la moitié des marchandises. »
« Ce n’est pas grave. » Uppalavanna le réconforta au contraire en disant : « L’essentiel est que tu puisses revenir sain et sauf. »
« Mais je dois porter plainte à la police, poursuivre ces bandits et récupérer cette moitié des marchandises pillées. » En écoutant le ton de son mari, ce dernier semblait vraiment avoir été tombé sur des bandits.

Depuis lors, le mari d’Uppalavanna s’en allait souvent pendant plusieurs jours ; même s’il rentrait chez lui, une fois arrivé le jour, il repartait le soir. Lorsqu’Uppalavanna lui posait des questions, il répondait toujours qu'il était occupé à poursuivre la trace des bandits. Même si elle était méfiante au fond d’elle, elle était une femme vertueuse et ne parlait jamais de ses soupçons à son mari. Un jour, cependant, un des clients rendit visite à son mari et elle lui répondit que son mari était parti chercher des bandits. Ce client qui était profondément touché par son honnêteté naïve, lui dit d'un ton compatissant : « Jusqu’à présent, vous êtes toujours mise dans l’ignorance par votre mari. Je ne veux pas apporter une atmosphère de discorde à votre famille, mais je pense que votre mari n’est vraiment pas correct avec vous ; d’ailleurs, il vous ment toujours comme cela, ce n’est pas non plus une solution en fin de compte. Je vous le dis maintenant, votre mari n'a pas de bandits à poursuivre, il poursuit en fait l'amour de sa nouvelle femme. »

Quelques jours plus tard, son mari revint et inventa des histoires sur la recherche des bandits. Il racontait à Uppalavanna de sorte qu’elle dût presque le réconforter. Cependant, Uppalavanna lui dit avec une attitude directe et indulgente : « Je sais que tu travailles dur, mais puisque tu as une nouvelle personne, pourquoi ne pas la ramener à la maison ? Pour une personne qui doit s’occuper des dépenses de deux familles, c’est vraiment une chose très difficile. »

Au départ, son mari voulait nier ce fait, mais il pensa à la vertu d’Uppalavanna et constata son attitude si sincère ; il avoua alors et lui demanda pardon en disant avec un ton de remords : « Je craignais qu’en mettant deux femmes ensemble, cela ait généré de la friction, alors je t’ai mentie. »

« Non, je crois que je peux le tolérer. Si elle a presque le même âge que moi, je la considérerai comme une soeur. Si elle a une dizaine d’années de moins que moi, je prendrai soin d’elle comme ma propre fille. Nous vivons ensemble depuis une dizaine d’années, tu ne penses quand même pas que je sois une femme jalouse et avare ? Sois rassuré, je ne suis pas ce type de femme. »

En conséquence, cette famille composée d'un homme et de deux femmes vivait ensemble ; Uppalavanna prenait vraiment soin de la jeune épouse de son mari avec un amour maternel. Du fait de la similitude physique de cette jeune épouse à Uppalavanna, elles ressemblaient vraiment à une mère et sa fille lorsqu’elles étaient ensemble ; cette jeune femme respectait et aimait également Uppalavanna en la considérant comme sa propre mère ; et elle lui révélait lors d’une conversation qu'elle était une fille qui avait perdu l’amour maternel depuis l'enfance. Après avoir écouté, Uppalavanna pensait beaucoup à sa fille qui s’était séparée d’elle dès l’enfance. Elle soupçonnait même que cette jeune épouse était sa fille biologique, mais c’était gênant de lui demander davantage au sujet de sa ville natale et de la situation de sa famille. Afin d'éviter de susciter le mal du pays, il valait mieux ne pas poser ce genre de questions à une personne qui avait quitté sa ville d’origine.

Cependant un matin, quand Uppalavanna coiffait les cheveux de la jeune femme, elle trouva une cicatrice apparente dans son arrière-cerveau ; cela fit presque hurler Uppalavanna car, dans sa mémoire, cette cicatrice était la marque laissée à sa fille nouveau-née quand elle l’avait jetée sur un poteau en bois en quittant son premier mari. Mais comme elle avait peur de troubler son mari et cette jeune femme, elle n’avait donc pas crié. Ainsi, elle ne pouvait plus s’empêcher de demander à la jeune femme son passé, et dit avec un ton attentionné : « Tu as une si grosse cicatrice sur la tête, tu as dû avoir très mal lorsque tu t’étais blessée. »

« Oui, mais j’étais encore toute petite à l’époque, donc je ne me rendais pas compte de la douleur. » La jeune femme continua de dire : « Selon mon père, c'était ma mère qui se querellait avec lui et dans la colère, elle m’avait jetée sur un morceau de bois, ce qui avait provoqué cette blessure ; dès lors, ma mère avait quitté la maison en colère et n’y était plus jamais revenue. Ma vie est vraiment malheureuse, je n'ai jamais vu ma mère depuis toute petite. Maintenant, je pense souvent comme cela : tu m’aimes et me protèges tellement ; si tu étais ma mère, ce serait si merveilleux ! »

Après avoir entendu cela, Uppalavanna avait vraiment envie de prendre la jeune femme dans ses bras et de pleurer. De toute évidence, c'était sa propre fille. Cependant, elle était encore inquiète et incertaine, alors elle posa de nouveau beaucoup de questions sur la jeune femme, en lui demandant le nom et le numéro de la rue de la ville de Taxila où elle habitait, le nom de son père. Après avoir posé ces questions, tout était compris et tout était aussi confirmé, mais cela l'attristait encore plus.

Uppalavanna était très agitée, mais elle n'était plus en colère ; elle réfléchissait pendant longtemps en restant debout avant de comprendre : « Ah, je suis une femme misérable, c'est un monde chaotique. Dix ans plus tôt, ma mère a pris possession de mon mari ; dix ans plus tard, ma fille s’est mariée avec mon deuxième mari, je partage un même homme avec ma fille ; j’ai déjà cédé mon premier mari à ma mère, pourquoi ne pourrais-je pas céder mon deuxième mari à ma fille ? Pour le bonheur de ma fille, je dois me sacrifier jusqu’au bout. »

Par conséquent, elle avait profondément enfoui au fond d’elle toute la tristesse et la douleur, et faisait semblant comme si rien n’était ; elle décida de partir tout doucement, et suivit laborieusement une équipe de marchands, quittant la ville de Taxila pour arriver à la ville de Vaisali.

A cette époque, Uppalavanna avait déjà une vingtaine d’années. Après avoir vécu deux grands changements, elle était découragée par la vie et se sentait impuissante. Elle était une femme misérable, mais elle avait pitié pour toutes les femmes, elle trouvait que toutes les femmes étaient pitoyables dans ce monde ; quant aux hommes, ils étaient répugnants, et la possessivité des hommes envers les femmes était dans la plupart du temps remplie d’avidité. Afin de contre-attaquer les hommes et de se venger d’eux, une fois arrivée dans la ville de Vaisali, même s’il y avait beaucoup d’hommes qui lui demandaient en mariage, elle leur donnait tous un refus. Elle voulait ridiculiser les hommes avec une attitude cynique. Ainsi, peu de temps après, bien qu'elle ne fût jamais devenue une prostituée professionnelle, elle était en fait devenue la première prostituée renommée de tous dans la ville de Vaisali. Sa beauté, son charme, sa sensualité, sa séduction avaient rendu fous presque tous les hommes de la ville ; les hommes ayant un haut statut et de la richesse, attirés par sa réputation charmante, venaient tous à elle, ce qui affectait grandement les affaires des prostituées professionnelles et organisées. Par conséquent, cela provoqua la colère publique des prostituées, et celles-ci se rassemblaient toutes devant la maison d’Uppalavanna en discutant dans tous les sens : certaines proposant de semer la discorde dans sa maison, d’autres préconisant de la défigurer, d’autres voulant la tuer et prendre sa chair. Mais, tout cela n’était que des paroles et il n’y avait pas d’actes ; finalement, c’était une meneuse de prostituées qui prit la parole : « Quel genre de magie noire utilises-tu pour pouvoir séduire tant d’hommes ici ? Puisque tu exerces ce métier, pourquoi ne rejoins-tu pas notre organisation ? Tu as volé notre métier et dérobé notre commerce, maintenant nous voulons que tu exprimes ton attitude pour voir quelles compétences tu possèdes. »

La réponse d’Uppalavanna était très simple, elle dit : « Je n'ai pas de magie noire ; seulement, n’importe quel homme, s’il peut être vu par moi, me court après ; je n’ai pas l’intention d’exercer la prostitution pour gagner ma vie, et je n'ai jamais été une prostituée. C’est pour cela que je ne savais pas que la prostitution, ce genre de pauvre métier, devait aussi intégrer une organisation. »

Après des discussions au sein du grand groupe de prostituées, c’était toujours cette meneuse qui prenait la parole : « Dans ce cas, on va te soumettre à une épreuve : il y a un jeune homme qui vend des produits parfumés dans cette ville et qui pratique souvent la visualisation de l’impureté. Devant ses yeux, toute belle femme est un cadavre décomposé et de la chair puante ; toute femme qui s’approche de lui ne peut pas faire bouger sa détermination, et il ne les regarde même pas. Si tu réussies à séduire cette personne, nous te présenterons tous nos respects et te considérerons comme notre chef. Non seulement tu seras dispensée de toutes les obligations envers notre organisation, mais tu recevras également un soutien et une obéissance unanimes de la part de toutes les filles. Sinon, tu seras punie de soixante pièces d’argent. »
Uppalavanna demanda : « Est-ce un homme normal ? »
« Bien sûr que oui. »
« Si c'est un homme normal, j'ai alors les moyens pour le faire aimer les femmes. »

Ainsi, Uppalavanna utilisa son esprit pour trouver un moyen d’approcher le jeune vendeur de parfums. Tout d'abord, elle faisait semblant de montrer toute sorte d'actes d'amour envers son mari. A l’époque en Inde, le fait de mettre du parfum sur le corps désignait le respect et l’amour, elle demanda donc à sa servante d’acheter tous les jours du parfum pour le corps, et quelques jours plus tard, d’acheter quotidiennement tout type de médicaments onéreux. La servante disait d’abord que sa maîtresse lui avait demandé d’acheter des parfums pour le corps de son maître, puis elle disait que sa maîtresse lui avait demandé d’en acheter pour soigner son maître. Le jeune vendeur de parfums, en l’écoutant régulièrement, était très ému, il pensait que la maîtresse de cette maison devait être une femme très vertueuse ; sinon, comment pouvait-elle avoir autant de gentillesse et d’attention pour s’occuper de son mari ? Il pensait aussi : les femmes sont des vipères effrayantes, mais épouser une telle femme, n'est-ce pas un bonheur ?

Quelques jours plus tard, Uppalavanna demanda à la servante lors de son achat de médicaments, de dire au jeune vendeur de parfums que l’état de santé de son maître était déjà très grave. Un jour après, habillée complètement en tenue de deuil et soutenue par la servante, Uppalavanna passait devant le magasin du jeune vendeur de parfums et pleurait la mémoire et la bonté de son défunt mari. Comme ce jeune vendeur de parfums avait déjà de bons sentiments pour elle, cela le rendait très compatissant quand il vit cette scène de décès et de séparation, et il pensa : c'est vraiment un couple malheureux – je ne peux pas croire qu’une si jeune, pure et belle femme a perdu son mari, et que le mari qui avait une telle épouse n’a pas pu bénéficier de la longévité et a quitté ce monde. En effet, il éprouvait déjà des sentiments et de la compassion pour Uppalavanna, mais il n’en était pas conscient au fond de lui-même.

Deux jours après, la servante d’Uppalavanna arriva de nouveau dans le magasin du jeune homme pour acheter des médicaments en disant que sa maîtresse était tombée malade à cause du chagrin lié au deuil de son mari.
« Avez-vous déjà consulté un médecin ? » Le jeune vendeur de parfums était apparemment très préoccupé par la santé d’Uppalavanna.
« La maîtresse est malade ; comme nous avons nouvellement emménagé ici, nous ne savons donc pas aller vers quel docteur ! » La servante tourna subtilement le sujet de la conversation en disant : « Vous, qui vendez des produits parfumés et également des médicaments, j’ai entendu dire que les gens qui vendaient des médicaments connaissaient nécessairement la médecine, est-ce vrai ? »
« Oui, mais bien que j'aie étudié la médecine, j'ai bien peur de ne pas être le meilleur médecin. »
« C’est trop bien, s'il vous plaît, venez avec moi maintenant, est-ce possible ? Je vous en supplie. »

Même si le jeune vendeur de parfums se méfiait encore un peu, comme il n’avait jamais soigné une femme malade, maintenant il pensait que pour sauver une femme pure qui aimait son mari, il devrait faire une exception. En même temps, bien qu'il connût son propre niveau de la Voie, n’ayant pas encore atteint le niveau de détachement du désir, et que ce ne fût pas vraiment convenable d’aller soigner une femme malade, il n’avait qu’à se dire : « C'est une femme pure, elle ne va pas me nuire. »

Ainsi, ce jeune vendeur de parfums se rendit à la maison d’Uppalavanna et entra dans sa chambre ; elle était allongée avec paresse et lassitude sur le lit, comme si elle était malade, mais aussi comme si elle ne l’était pas. En voyant le jeune vendeur de parfums entrer, elle le regarda en ouvrant légèrement ses yeux, puis elle referma les yeux. Jusqu’à ce que la servante lui annonçât la venue du médecin, elle sortit alors un bras, comme si c’était pour laisser le médecin prendre le pouls, avec les yeux toujours fermés.

Le jeune vendeur de parfums n’était jamais entré dans la chambre d’une femme, en particulier dans une telle chambre comme celle d’Uppalavanna ; tout le mobilier, la décoration et l'atmosphère étaient remplis de la force diabolique féminine. Dès qu’il vit le beau bras d’Uppalavanna, fin et doux, blanc et pur, il avait l’impression qu'il était au paradis et voyait une déesse, mais il n'avait pas encore oublié qu'il était une personne renommée pour sa visualisation de l’impureté, et qu’il ne devait pas avoir ce genre de fantasme et d’illusion.

Cependant, selon les Sutras, avoir du contact avec une femme correspond à "toucher le poison". Dès qu’il toucha la poignée blanche d’Uppalavanna, son cœur battait involontairement, son sang subissait également des changements soudains, et il ne trouvait même pas la position correcte du pouls de la patiente. A ce moment-là, il sentit un parfum étrange, comme celui de la fleur de lotus, mais pas comme celui de la vraie fleur de lotus ; puis il utilisa le nez pour chercher la source du parfum, et cela provenait en fait du corps d’Uppalavanna. Ainsi, il ne put s'empêcher de fixer ses yeux avec avidité sur le visage d’Uppalavanna. Entre-temps, cette dernière rétracta son bras et ouvrit les yeux, montrant une posture charmante et luxurieuse. Finalement, la visualisation de l’impureté du jeune vendeur de parfums, sous la séduction d’Uppalavanna, fut complètement brisée !

Depuis lors, le jeune vendeur de parfums était devenu un visiteur fréquent d’Uppalavanna, et la réputation d’Uppalavanna devenait ainsi encore plus grande.

Peu de temps après, Uppalavanna donna naissance à un garçon, mais avec son statut actuel, ce n’était pas pratique d’élever des enfants, et cela pouvait facilement déplaire aux hommes, ce qui affecterait sa réputation. Elle demanda donc à sa servante d’abandonner le bébé dans la rue le soir. La servante plaça le bébé près du portail de la cité de l’Est et il fut ramassé par un gardien du portail de la cité de l’Est.

Au bout d’un certain temps, Uppalavanna donna encore naissance à une fille ; de la même manière, elle l’abandonna près du portail de la cité de l’Ouest et le bébé fut ramassé par un gardien du portail de la cité de l’Ouest.

Les gardiens des deux portails de l'Est et de l'Ouest, qui s’entendaient bien depuis toujours, avaient maintenant chacun un enfant, l’un un garçon et l’autre une fille. Afin de montrer qu’ils étaient proches, ils préconisaient donc un mariage entre les deux familles, et décidaient de marier la fille de la cité de l’Ouest au garçon de la cité de l’Est une fois qu’ils auraient grandi.

Quant à Uppalavanna, elle avait déjà passé la trentaine, mais son apparence n’avait pas changé, elle menait donc encore sa vie comme une "prostituée". Le temps passait vite, le garçon de la cité de l’Est était déjà devenu un adulte. En Inde, le fait que les hommes s’amusaient avec des prostituées était une coutume très courante. Un jour, de nombreux jeunes amis invitèrent le jeune homme de la cité de l’Est, et dépensaient 60 pièces d’argent pour demander à Uppalavanna de rester s’amuser avec eux pour une nuit. Ce garçon de la cité de l’Est était très timide depuis l’enfance et il avait peur de voir des femmes ; il ne voulait donc pas participer à un tel rassemblement, mais tout le monde avait décidé que si quelqu’un ne voulait pas y participer, celui-ci devait être puni et payer tout seul 60 pièces d’argent à Uppalavanna. Ce garçon de la cité de l’Est n'avait donc pas de choix et était contraint d’y participer. De façon inattendue, ses jeunes amis profitèrent de l’occasion pour le taquiner en raison de sa timidité. Cette nuit-là, ils envoyèrent Uppalavanna à lui seul pour s’en occuper. Uppalavanna avait une bonne impression sur ce jeune homme honnête et timide, et ce dernier trouvait aussi qu’elle était vraiment une femme charmante. Il emmena alors Uppalavanna chez lui pour vivre ensemble. Cependant, cela suscita une indignation publique dans la ville de Vaisali, étant donné que tout le monde pensait que le fait que le fils d’un gardien du portail de la cité amenait une prostituée chez lui était un scandale immoral et impardonnable. Finalement, sous la pression de l'opinion publique, le jeune homme dut se marier avec elle et la prendre comme son épouse officielle ; en même temps, exerçant la prostitution depuis une dizaine d’années, Uppalavanna voulait vraiment aussi avoir une famille. Mais la jeune fille de la cité de l’Ouest avait également grandi ; afin de réaliser le contrat de mariage initial, le jeune homme de la cité de l’Est se maria aussi avec la jeune fille qui devint sa deuxième épouse.

En fait, c'était une relation de mariage incestueux extrême, mais les personnes concernées ne le savaient pas, Uppalavanna donna alors également naissance à un garçon pour le jeune homme.

( 3 )
Finalement, les racines vertueuses d’Uppalavanna allaient bientôt mûrir.

Un jour, la femme du portail de l’Ouest portait le bébé qu’avait eu Uppalavanna avec le jeune homme du portail de l’Est, et jouait avec lui devant la porte de sa demeure. Le Grand Disciple du Bouddha, Maudgalyayana, le premier en pouvoirs surnaturels, arriva chez elle, ce qui était une occasion rare. Cette femme du portail de l’Ouest était une disciple bouddhiste, elle pensait ce jour-là qu’elle pourrait écouter le merveilleux Dharma de la part du Vénérable Maudgalyayana. Cependant, ce dernier ne parla pas de Dharma ; dès qu’il prit la parole, il lui dit : « Le savez-vous ? Aujourd’hui, je vais vous relater une histoire de mariage incestueux extrême. »
« Je veux bien l’écouter, Vénérable, veuillez bien raconter ! »
« Cette histoire n'a pas eu lieu ailleurs, mais dans la ville de Vaisali, dans votre maison. »
« Vraiment ? »
« Je mentirais ? Je vous le dis : la première épouse de votre mari est votre mère biologique ; votre mari est votre frère aîné ; en conséquence, vous ne devriez pas être jalouses entre vous. » Le Vénérable Maudgalyayana lui raconta ensuite les tenants et les aboutissants, tous les détails depuis l’origine, puis s’en alla.

Par la suite, il y avait un autre Brahman, spécialisé dans la physiognomonie et l’astrologie, qui passait par là. Il vit la femme du portail de l’Ouest qui tenait un gros petit garçon, et il s’en approcha alors afin de faire des affaires en espérant pouvoir exercer la physiognomonie pour le garçon. Il lui demanda d’abord sous forme de vers :
« Vous, une si belle femme,
Qui avez une foi profonde dans les Trois Joyaux,
Avec le beau garçon que vous portez,
Quel en est votre lien de parenté ? »

Après avoir entendu cette question du Brahman, la femme du portail de l’Ouest ne put s'empêcher de ressentir beaucoup d’émotions, et répondit alors aussi sous forme de vers :
« Bienveillant Brahman, veuillez bien écouter :
C'est mon frère,
Aussi le fils de mon frère,
Mon mari est son frère,
Mais je suis aussi la mère de ce garçon,
Son père biologique est mon beau-père,
Le beau-père est devenu mon mari,
Un vénérable me l’a dit avec compassion. »

Ce brahman physiognomoniste trouva cela très drôle après avoir écouté, mais il ne posa plus de questions et n’envisagea pas non plus d’exercer la physiognomonie ; il partit en riant fortement.

A ce moment-là, Uppalavanna entendit de l’intérieur de la maison ces étranges échanges de questions-réponses en vers et demanda à une servante qui venait de rentrer par la porte ce qui se passait. Cette servante, qui ne savait pas non plus exactement ce qui s’était passé, ne répéta à Uppalavanna que ce qu’elle avait vu et entendu.

Uppalavanna était déjà une femme d’un certain âge rongée par les souffrances et les vicissitudes ; elle n'était pas une vraie débauchée, mais c’était juste à cause d’un moment d’émotion intense et de colère qu’elle avait alors pris le chemin cynique. Il était inimaginable que son destin fût si cruel. Au moment où elle avait enfin une famille, les relations dans cette famille étaient en fait si malheureuses. Dans le passé, elle avait déjà partagé son mari avec sa mère, et avait aussi cédé son mari à sa fille. Maintenant, c’était encore plus complexe : elle était devenue l’épouse de son propre fils, laissant son fils épouser sa mère biologique, puis épouser sa sœur ; elle avait donné naissance à un garçon pour son fils, ce garçon était à la fois son propre fils, mais aussi son propre petit-fils, il était aussi à la fois le petit frère de son fils, mais aussi le fils de son mari. Quand elle pensait douloureusement à tout cela, elle sentit soudainement l’obscurité devant ses yeux et s’évanouit sur le sol ! Mais elle ne savait pas que c’était à cause de son karma de la vie passée qu’elle récoltait ce qu’elle avait semé. Elle n’aurait jamais imaginé non plus qu’avec le statut de prostituée pour duper les hommes afin de se venger d’eux, elle devait finalement en subir les effets, et qu’avoir dupé les hommes, elle s’était aussi dupée elle-même. Dans le grand océan de la vie douloureuse et odieuse, plus elle avançait, plus elle s’enfonçait, en étant presque complètement sous l’eau !

Bien qu’Uppalavanna apparût avec l’attitude la plus impudente comme une prostituée luxurieuse à cause du grand choc émotionnel qu’elle avait subi, elle était en fait de nature une femme qui ressentait le plus de la honte. Ainsi, elle quitta de nouveau discrètement la ville de Vaisali pour aller à la ville de Rajgir qui était une des deux grandes villes où le Bouddha enseignait souvent. Arrivée dans la ville de Rajgir, elle ne savait vraiment pas où aller. Si elle se mariait ! Elle s'était mariée trois fois, mais elle avait échoué et se faisait du souci trois fois ! Si elle ne se mariait pas ! Pour une femme seule comme elle, que pouvait-elle faire ? Finalement, elle exerçait de nouveau le pauvre métier sous la pression de la vie. Heureusement, bien qu’elle fût une femme d’un certain âge, son apparence n’était pas fanée par le temps qui passait. Par conséquent, peu de temps après son installation dans la ville de Rajgir, son renom était tellement grand et son prix tellement élevé que cela avait même dépassé ceux de l’époque où elle était dans la ville de Vaisali ; le prix du plaisir qu’elle offrait dépassait chaque fois la barre des cinq cents pièces d’argent. Hormis les fils gâtés de familles fortunées, les nobles officiers, les riches hommes d’affaires, très peu de gens osaient la côtoyer. Il y avait un pauvre jeune homme qui voulait se rapprocher d'elle, mais elle refusa et lui dit de revenir quand il aurait cinq cents pièces d’argent. Mais peu importe s’il agissait d’un groupe ou d’un individu, à partir du moment où l’on payait cinq cents pièces d’argent, elle offrait du plaisir pour une nuit. Ainsi, un jour, il y eut cinq cents hommes dans la ville de Rajgir qui avaient rassemblé un total de cinq cents pièces d’argent. Ils appelèrent Uppalavanna, se réunirent dans un grand jardin et s’amusèrent.

A ce moment-là, le Vénérable Maudgalyayana savait que le karma d’Uppalavanna était déjà épuisé et que le temps de l’enseignement était arrivé, il vint alors dans ce grand jardin et sous un grand arbre pas loin des cinq cents hommes et d’Uppalavanna, il faisait la méditation en marchant et en faisant le va-et-vient. Ceci fut découvert par un jeune homme qui aimait faire des farces, et il dit à Uppalavanna en plaisantant : « Avez-vous vu ? Le moine bouddhiste qui est en train de marcher sous l'arbre là-bas est un grand disciple du Bouddha et il est connu comme le premier en pouvoirs surnaturels. C’est le Vénérable Maudgalyayana, sa pratique des préceptes est pure et il a déjà atteint le quatrième Fruit noble de Sravaka, c’est-à-dire l’état d’Arhat en se détachant de tout désir. Pour lui, toute l’avidité salissante ne pouvait pas le souiller. Uppalavanna, belle femme, votre force diabolique a déjà touché tous les hommes de la ville de Rajgir, pouvez-vous aussi faire en sorte que le Vénérable Maudgalyayana éprouve des sentiments pour vous ? »

Uppalavanna jeta un coup d'œil vers l’endroit où se trouvait le Vénérable Maudgalyayana et répondit sans hésitation : « Qu'est-ce qui est difficile ? Tant qu’il s’agit d’un homme, il n’y a pas d’hommes qui n’aiment pas de femmes ; dans la ville de Vaisali, j’ai déjà fait en sorte qu’un jeune vendeur de parfums, qui a réussi à pratiquer la visualisation de l’impureté, éprouve des sentiments pour moi. Sans parler de ce moine, est-il possible que je n’ai pas de moyens ? »

Ainsi, Uppalavanna fit des mouvements légers de son corps pour aller vers le Vénérable Maudgalyayana ; avec sa coquetterie habituelle, elle s'approcha pas à pas du Vénérable. Son expérience lui révélait que tous les hommes qui étaient touchés par son corps doux ne pouvaient pas résister à sa séduction, et qu’il suffisait qu’un homme éprouvait des sentiments, peu importait que l’esprit de la Voie de cet homme fût si déterminé, elle pouvait aussi le déraciner. Elle pensait donc que si elle voulait séduire les hommes, elle n’échouerait jamais. Par conséquent, elle avait une grande confiance en elle-même pour attirer le Vénérable Maudgalyayana.

Cependant, avant qu’elle ne touchât le corps du Vénérable Maudgalyayana, le Vénérable s’envola, se suspendit dans les airs, et lui dit sous forme de vers :
« De votre corps agaçant qui est bloqué par des os, qui est enroulé de sang, de canaux et de nerfs,
Qui est composé initialement par le sperme du père et le sang de la mère, vous en dépendez pour la survie et vous voulez vous en servir pour m’humilier et m’offenser.
Le corps enveloppé d’une peau nauséabonde est rempli d’impuretés, il décharge et recharge matin et soir,
De la saleté s’écoule en permanence des neuf trous, et l’odeur de la saleté traverse tout le corps.
Si les êtres humains réalisent l’origine de ce corps, comme moi, je réalise l’impureté de votre corps, Ils devront s’éloigner de l’attachement et abandonner ce corps, c’est comme s’il ne faut pas s’approcher des toilettes en été.
Sans sagesse, ils sont donc confus, obstinés et maladroits ; souvent ignorants, ils sont recouverts par les afflictions,
Votre esprit est déjà envoûté par le plaisir, comme un viel éléphant qui s’enlise de plus en plus profondément dans la boue ! »

Uppalavanna n'avait jamais vu un si grand Saint qui pouvait avoir de si grands pouvoirs surnaturels ; elle n'avait jamais entendu non plus un si noble discours de Dharma, d’une telle haute sagesse. C’était pour elle tout nouveau et aussi rare ; mais en même temps, quand un être ordinaire voyait les pouvoirs surnaturels, il ne pouvait pas ne pas avoir de respect ; quand il écoutait les discours du Vénérable, il ne pouvait pas ne pas avoir la foi. Ainsi, Uppalavanna s’examina elle-même et elle savait déjà que ce corps de chair et de sang était vraiment composé illusoirement de nombreuses choses impures. Par conséquent, Uppalavanna leva les yeux vers le Vénérable dans les airs en se prosternant devant lui dans le lointain, et elle dit également sous forme de vers :
« Je sais que le corps agaçant qui est bloqué par des os, est enroulé de sang, de canaux et de nerfs,
Et qu’il est composé initialement par le sperme du père et le sang de la mère, j’en dépends pour la survie et je m’en sers pour humilier et offenser le Vénérable.
Mon corps est rempli d’impuretés, il décharge et recharge matin et soir,
De la saleté s’écoule en permanence des neuf trous, et l’odeur de la saleté traverse tout le corps.
Si les êtres humains réalisent l’origine de ce corps, comme le grand Vénérable, il réalise l’impureté du corps,
Ils devront s’éloigner de l’attachement et abandonner ce corps, c’est comme s’il ne faut pas s’approcher des toilettes en été.
Sans sagesse, ils sont donc confus, obstinés et maladroits ; souvent ignorants, ils sont recouverts par les afflictions,
Mon esprit est vraiment envoûté par le plaisir, comme un viel éléphant qui s’enlise de plus en plus profondément dans la boue.
Que le Vénérable descende des airs, pour me révéler le Dharma profond et subtil,
Pour me guider à devenir nonne dans cette religion merveilleuse, je fais voeu de cultiver toujours le détachement du désir et la pratique de la pureté. »

A ce moment-là, le Vénérable Maudgalyayana sut que la racine vertueuse d’Uppalavanna était pleinement mûrie ; ayant pitié de sa prière sincère, il descendit soudainement des airs et prêcha de nouveau le Dharma pour Uppalavanna. A partir du moment où les gens avaient la foi arrivée à maturité, dès qu’ils écoutaient les enseignements du Dharma, ils voyaient la Voie et atteignaient le premier Fruit de Sravaka. Après avoir atteint le premier Fruit de Sravaka, Uppalavanna se prosterna immédiatement aux deux pieds du Vénérable Maudgalyayana et le supplia de lui permettre de devenir nonne. En même temps, elle restituait aussi immédiatement cinq cents pièces d’argent aux cinq cents hommes qui lui avaient payé pour avoir des plaisirs, en expliquant qu’elle avait déjà foi dans le Bouddhisme, qu'elle était sur le point de devenir nonne, et qu'elle leur demandait pardon et présentait ses excuses.

C’était une scène très touchante : non seulement les cinq cents hommes ne lui faisaient pas obstacle, mais ils étaient tous influencés par ce qu’avait prêché le Vénérable Maudgalyayana. D’une part, ils félicitaient Uppalavanna pour l’arrêt de son mauvais comportement et son retour dans la bonne voie ; et d’autre part, ils venaient tous se prosterner aux deux pieds du Vénérable Maudgalyayana.

Dans les règles bouddhistes, les moines ne pouvaient pas tondre les cheveux des femmes comme un maître. Bien que le Vénérable Maudgalyayana promît à Uppalavanna de pouvoir entrer dans les ordres religieux, il ne pouvait que faire une recommandation pour elle, mais sans pouvoir lui tondre les cheveux.

Par conséquent, le Vénérable Maudgalyayana emmena d’abord Uppalavanna voir le Bouddha qui se trouvait justement à ce moment-là au monastère de Venuvana dans la ville de Rajgir.

Bien que le Bouddha fût déjà au courant de la vie d’Uppalavanna et de ses vies antérieures, le Vénérable Maudgalyayana rapporta quand même au Bouddha toute la vie d’Uppalavanna afin que tout le monde présent en bas du siège du Bouddha pût aussi le savoir. Après avoir écouté cela, le Bouddha était très joyeux et Il écrivit une lettre pour Uppalavanna afin qu’elle la montra à Bhiksuni Maha Prajapati qui se trouvait dans la ville de Sravasti, en lui disant qu’elle pouvait y devenir nonne là-bas.

A ce moment-là, le roi Bimbisara de la ville de Rajgir écoutait aussi le Dharma devant le siège du Bouddha ; après avoir appris la vie d’Uppalavanna, il était très ému. Maintenant, si Uppalavanna devait aller seule de la ville de Rajgir qui se trouvait au sud vers la ville de Sravasti qui se trouvait au nord pour demander à Bhiksuni Maha Prajapati d’entrer dans les ordres religieux, le chemin était dangereux pour elle en raison de sa renommée sur la coquetterie et sur sa beauté. Pour sa séurité, le roi envoya immédiatement une armée pour escorter Uppalavanna vers la ville de Sravasti. Ce fut un grand honneur pour Uppalavanna après sa foi dans le Bouddhisme.

( 4 )
Uppalavanna était une belle femme qui avait beaucoup souffert, mais aussi une femme avec une racine bouddhiste très profonde. Après être devenue nonne, elle semblait déjà comprendre, sans la nécessité d'apprendre, tous les actes de la vie et toutes les méthodes de pratique spirituelle. Pourtant, elle était la bhiksuni la plus diligente ; sur tout ce qui concernait la communauté du Sangha et le Dharma, elle apprenait et travaillait avec le plus grand sérieux, le plus grand respect et la plus grande sincérité. Avant d’être nonne, c’était une femme romantique et débauchée qui travaillait dans la prostitution ; mais après être devenue nonne, elle était une pratiquante ascétique observant scrupuleusement les préceptes. Ainsi, peu de temps après, elle avait atteint le plus haut niveau du Hinayana – l’état d’Arhat. En raison de ses voeux de la vie antérieure, quand elle atteignit l’état d’Arhat, le Bouddha la nomma la première en pouvoirs surnaturels parmi les saintes bhiksunis. S'il y avait des incidents dans la communauté des nonnes, ils étaient souvent résolus par la force des pouvoirs surnaturels de Bhiksuni Uppalavanna. Par exemple, il y avait Bhiksuni Subhadra qui avait atteint le quatrième Fruit de Sravaka, mais qui ne possédait pas les pouvoirs surnaturels ; elle fut ainsi détenue par les officiers du roi Ajatashatru ; octroyée au roi pour passer une nuit, elle fut salie. Le lendemain matin, Bhiksuni Uppalavanna s’envola avec les pouvoirs surnaturels au-dessus du palais royal, enseigna à Bhiksuni Subhadra les pouvoirs surnaturels, puis elles s’envolèrent ensemble pour retourner dans la communauté des nonnes.

Pour elle, les pouvoirs surnaturels étaient également utiles. Lorsqu’elle était une prostituée dans la ville de Rajgir, elle avait dit à un jeune homme pauvre d’attendre d’avoir cinq cents pièces d’argent avant de revenir la rendre visite. Par la suite, bien qu’elle fût devenue nonne, ce jeune homme, afin de l’approcher, put avec ardeur récolter les cinq cents pièces d’argent et ne cessa de penser à trouver Uppalavanna. Il se renseigna dans la ville de Rajgir ; bien qu’il sût qu’elle était déjà devenue une nonne, il la poursuivit quand même jusqu’à la ville de Sravasti. Par coïncidence, il trouva Uppalavanna qui pratiquait à l’extérieur, et il vit son visage lumineux, encore plus beau qu’auparavant. Il sortit l’argent et demanda à Uppalavanna de tenir sa promesse d’antan. Mais à ce moment-là, Uppalavanna était déjà devenue une Arhat détachée des désirs ; dans l’intérêt des préceptes et de l’état noble réalisé, elle n'était plus attachée aux cinq désirs et ne pouvait plus non plus de nouveau s’attacher aux cinq désirs. Mais le jeune homme étant toujours complètement envoûté, Uppalavanna ne put rien faire et lui demanda ainsi ce qu’il aimait. Il répondit qu'il aimait son corps lisse et parfumé. Uppalavanna essaya alors de gagner du temps, en disant qu'elle avait besoin d'uriner ; elle entra dans les toilettes et mit des excréments sur tout le corps. De cette façon, cela put temporairement faire fuir le jeune homme. Peu de temps après, ce jeune homme la rencontra de nouveau ; elle lui demanda ce qu'il aimait d’elle et il répondit qu’il aimait ses beaux yeux. Elle utilisa alors ses pouvoirs surnaturels en arrachant ses globes oculaires ensanglantés pour les offrir au jeune homme ; ce dernier pensait qu'elle utilisait de la magie pour le tromper et il la frappa. La troisième fois, Uppalavanna revint de sa demande de l’aumôme et oublia de fermer la porte de sa chambre ; un jeune brahmane qui la suivait secrètement, rentra dans sa chambre et se cacha d’abord sous son lit ; il attendit qu’Uppalavanna s’endormit pour monter sur le lit et souiller le corps sacré d’Uppalavanna ! Quand elle se réveilla, elle savait qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, et elle utilisa alors ses pouvoirs surnaturels pour s’envoler dans les airs. Cela fit tellement peur au jeune garçon qu’il perdit immédiatement connaissance, et il mourut peu de temps après ; il descendit ainsi dans l’enfer à cause de ce crime ! (Règle bouddhiste : les bhiksunis n’habitent pas dans les forêts ou dans les endroits déserts, ne doivent pas ne pas fermer la porte de la chambre pour dormir ; cela est lié à cet incident.)

Une autre fois, pendant la nuit, Uppalavanna méditait seule dans la forêt et fut aperçue par un groupe de bandits ; les voleurs voyaient une telle nonne qui, au clair de lune, était pure comme la neige, parfaite comme la pleine lune, calme dans sa méditation comme le mont Meru. Une femme qui méditait seule dans la forêt en pleine nuit devait avoir un esprit intrépide ; ils trouvaient que c'était quelque chose de très rare. Cela rendit ainsi le chef du groupe de voleurs ému ; celui-ci utilisa un tissu précieux pour envelopper un aliment délicieux et il l’accrocha sur les branches d’un arbre non loin d'elle, en lui souhaitant : « Cette nonne noble devrait savoir que cela exprime mon respect envers elle. » Le lendemain matin, lorsqu’elle sortit de la méditation, elle vit les choses accrochées à l’arbre, et comprit effectivement par les pouvoirs surnaturels que c’était des offrandes pour elle. Mais elle était quelqu’un qui avait beaucoup de respect envers les moines ; lorsqu’elle obtenait de la nourriture délicieuse, elle en ramenait en personne au monastère situé au pic des Vautours pour en faire offrande aux moines aînés. Cette fois-ci, elle aperçut un moine qui était vêtu d’une soutane très délabrée et sale ; sa compassion ne pouvant que jaillir, elle avança immédiatement pour lui rendre hommage et demanda : « Vénérable moine, pourquoi êtes-vous vêtu d’une soutane délabrée ? »
« Oh, grande sœur, c’est pour utiliser complètement cette robe, c’est pourquoi même si elle est si usée, je ne veux pas l’abandonner ! » C’était un moine ascétique qui appréciait tout objet et le bonheur.

Bhiksuni Uppalavanna qui portait une soutane en tissus précieux n’hésita pas à dire au moine : « Vénérable, je voudrais échanger ma soutane contre la vôtre, l’acceptez-vous ? »
« Bien sûr que j’accepte. » Le moine ôta alors la soutane délabrée pour l’échanger contre celle d’Uppalavanna.

Après un certain temps, Bhiksuni Uppalavanna portait toujours cette soutane délabrée et échangée, elle était ainsi vêtue quand elle demandait l’aumôme à l’extérieur ou lorsqu’elle allait même vénérer le Bouddha. Le Vénéré du Monde le remarquait et ne trouvait pas cela correct ; Il connaissait la raison de cette affaire, mais afin que tout le monde le sût, Il demanda à Bhiksuni Uppalavanna : « Pourquoi portes-tu une soutane si délabrée ? » Après la réponse de Bhiksuni Uppalavanna, le Bouddha annonça à tout le monde : « Les femmes qui entrent dans les ordres religieux, même si elles portent une belle soutane, ne sont pas considérées comme suffisamment solennelles ; encore moins si elles portent cette soutane si délabrée ! Si cet incident est connu par l’extérieur, on se moquera des moines et on éprouvera de la répulsion pour eux, en pensant que les moines, en tant qu’hommes, malmènent les femmes. Ainsi, on établit un précepte aujourd’hui pour la population monastique : si un moine prend une soutane d’une nonne qui n’a pas de lien de famille direct avec lui, il commet la faute de naihsargika-prāyaścittika (尼薩耆波逸提), sauf s’il s’agit du commerce (échanger pour un problème lié à la taille). »

A propos du respect d’Uppalavanna envers les moines et de son sacrifice pour autrui, il y avait aussi une histoire émouvante : à cette époque, le Bouddha demeurait dans le monastère de Jetavana situé dans la ville de Sravasti ; c'était une année de famine, beaucoup de gens moururent à cause de cela. Pour la vie des bhiksus et des bhiksunis qui dépendaient de l’aumône pour se nourrir, l’influence était ainsi très grande : ils partaient avec un bol d’aumône vide et rentraient aussi au monastère avec un bol vide ; à l’exception d’une minorité de familles fortunées, la majorité des gens ordinaires trouvaient qu’il était extrêmement difficile de pouvoir se nourrir et de nourrir leur famille, comment avaient-ils encore la force de faire des offrandes au Sangha ?

Cependant, en terme d’obtention de la nourriture offerte par les fidèles, les nonnes avaient toujours plus de moyens que les moines, et en particulier Uppalavanna ; son relationnel du Dharma étant très bon, elle pouvait obtenir de la nourriture tous les jours, mais elle ne profitait pas toute seule de tout ce qu'elle obtenait, elle répartissait toujours une partie, voire une grande partie de tout ce qu'elle obtenait aux moines qui rentraient avec leur bol d’aumône vide.

Certains moines ordinaires, durant cette année de famine, étaient vraiment pitoyables, mais aussi agaçants : ils savaient que dans le bol d’Uppalavanna, ils pouvaient obtenir une part ; non seulement ils lui demandaient l’aumône, après avoir bien mangé, ils le disaient même aux autres moines pour que ces derniers demandèrent aussi l’aumône à Uppalavanna. Ils ne demandaient plus l’aumône de porte-à-porte et attendaient sur le chemin qu’Uppalavanna empruntait souvent pour aller et revenir de l'aumône. Dès qu’ils voyaient Uppalavanna avec le bol d’aumône rempli, ils avançaient alors vers elle avec leur bol vide. Certes, ils ne pouvaient pas être déçus. Uppalavanna devait souvent faire plusieurs allers-retours dans la cité le matin, sortant avec le bol rempli et entrant avec le bol vide ; et ce souvent au-delà de midi, elle ne pouvait donc plus manger. Par la suite, c'était encore plus grave. Elle n’avait pas mangé pendant trois jours d'affilée et son corps ne pouvait plus tenir. Mais elle ne se plaignait pas du tout, et pensait au contraire qu’avec son effort, c’était finalement une consolation que beaucoup de moines ne souffraient pas de faim. Ainsi, le matin du troisième jour, elle sortait encore comme d'habitude pour demander l'aumône. Cependant, elle était très faible. Ce jour-là, elle rencontra un aîné sur la route et son cortège criait aux piétons de rester au bord de la route pour libérer le chemin ; comme Uppalavanna n'avait plus de force dans les jambes, elle tomba pitoyablement en reculant dans la boue profonde au bord de la route, étendue dans la boue, avec le visage rempli de boue. Cet aîné constata que c'était une nonne qui était tombée, il était très désolé et avait aussi pitié pour elle ; il ordonna d’arrêter la voiture et demanda aux employés de la soulever ; il lui demanda pourquoi elle était ainsi, elle évoqua les faits, l'aîné était encore plus ému, et la fit alors monter avec bienveillance dans la voiture, la ramena chez lui pour se laver. Après lui avoir offert de la nourriture, il lui dit : « Pour quelqu’un qui est entré dans les ordres comme vous, je souhaite vous faire don toute votre vie ; désormais, ne partez plus à l’extérieur pour faire l'aumône ; si vous avez de la compassion pour les autres moines, vous pouvez leur offrir ce que vous obtenez ailleurs ; pour votre part, vous pouvez venir souvent chez moi pour recevoir des offrandes. »

Cet incident touchant était su par le Bouddha qui établit encore un précepte pour la population monastique : [le précepte en version chinoise uniquement]

En évoquant de nouveau les pouvoirs surnaturels d’Uppalavanna, bien qu'elle eût obtenu les éloges du Bouddha qui disait qu'elle était la première en pouvoirs surnaturels, le Bouddha ne souhaitait pas qu'elle montrât souvent les pouvoirs surnaturels. Ainsi, au sein de la communauté des nonnes, elle n’avait pas l’air si exceptionnel ; même si ses paroles et actes influençaient la communauté des nonnes, c’était attendu.

Il y avait une fois, le Bouddha était parti au palais céleste de Trayastrimsha, et les disciples du monde humain pensaient tous au Bouddha. Par la suite, la nouvelle sur la descente du Bouddha du ciel Trayastrimsha provoqua un vif émoi à tous les disciples et les excita également ; tout le monde voulait voir en premier le Bouddha au moment où Il descendait du ciel. Cependant, parmi les quatre types de disciples (les moines hommes et femmes, les laïques hommes et femmes), il y avait un ordre : les disciples entrés dans les ordres étant devant les laïques, et les moines devant les nonnes. Comme Uppalavanna etait une nonne, elle ne pouvait pas voir naturellement en premier le Bouddha. En effet, une fois que le Bouddha descendit, Il fut entouré par des dizaines de milliers de disciples et ce fut complètement encombré.

Uppalavanna voulait pénétrer dans la foule pour rendre hommage au Bouddha, et c’était impossible. Elle trouva alors un moyen pour rendre hommage au Bouddha : elle utilisa ses pouvoirs surnaturels en se tranformant en roi Chakravartin, avec sept trésors devant, 9,9 milliards de soldats autour, et plein de fils célestes, avec une apparence subtile et solennelle, un parasol blanc tenu au-dessus de sa tête, des partisans tellement nombreux comme les nuages, une scène comme des milliers de rayons lumineux émis par le soleil, ou comme un fleuve céleste émis par le clair de lune. Elle se servit alors de cette grandeur pour que tout le monde ressentît de la rareté, libérant un chemin pour elle et la laissant voir le Bouddha. A ce moment-là, parmi les moines nobles, le Vénérable Udayin savait que c’était la transformation magique d’Uppalavanna et informa donc à tout le monde que ce n’était pas le roi Chakravartin réel ; tout le monde avait aussi pu constater qu’au moment où ce roi Chakravartin transformé se prosternait aux pieds du Bouddha, c’était déjà le visage d’origine d’Uppalavanna. L’enseignement du Bouddha mettait l’accent sur la vie ordinaire ; il ne fallait pas montrer facilement les pouvoirs surnaturels sauf si c’était vraiment nécessaire. En montrant ses pouvoirs magiques à ce moment et dans cet endroit, Uppalavanna n’avait pas naturellement respecté les principes bouddhistes. Ainsi, elle avait été sur le coup blâmée par le Boudhha qui n’autorisait désormais pas les nonnes de montrer les pouvoirs surnaturels devant le Bouddha.

En effet, bien que la fonction du pouvoir surnaturel fût grande, ce n'était pas une délivrance absolue : les pouvoirs surnaturels ne pouvaient pas rivaliser avec la force du karma. Le Vénérable Maudgalyayana était parmi les moines nobles le premier en pouvoirs surnaturels, mais il fut finalement tué par des non-bouddhistes ; Uppalavanna était parmi les nonnes nobles la première en pouvoirs surnaturels, mais elle mourut dans les mains de Devadatta.

En parlant du décès d’Uppalavanna, à ce moment-là, elle était peut-être très âgée, Devadatta avait suscité une vague anti-bouddhiste au sein de la communauté monastique, c’était déjà la période de l’âge avancé du Bouddha. A cette époque, le Bouddha demeurait dans le monastère de Venuvana à Rajgir et toutes les salles du monastère étaient remplies de coussins de méditation au cas où il y avait une foule. Afin d'éviter de salir ou d’endommager des coussins, le Bouddha établit ainsi un précepte : tout le monde devait d’abord se laver les pieds avant d'entrer dans la salle. Devadatta, qui s'était publiquement opposé au Bouddha, ne suivait pas naturellement les préceptes bouddhistes, il causait délibérément du désordre et enfreignait les préceptes ; il ne se lavait volontairement pas d’abord les pieds avant d’entrer dans la salle, et il salissait les coussins. A ce moment-là, Uppalavanna passait par là et trouvait que le comportement de Devadatta était trop scandaleux ; elle s’avança donc pour le conseiller en disant : « L'Honoré du Monde a manifestement établi un précepte, on ne peut pas entrer sans se laver les pieds avant, pourquoi avez-vous enfreint délibérément ce précepte ? »

En raison du fait de ne pas pouvoir atteindre le but de devenir un nouveau Bouddha et d’avoir échoué à plusieurs reprises après chaque essai, Devadatta n’était pas de bonne humeur et il rencontra justement la pauvre et honorable Uppalavanna dont le karma apparut ; il répondit avec colère : « D’où viens-tu, une si laide et méchante bhiksuni ! Tu es qualifiée pour me donner une leçon, connais-tu les préceptes mieux que moi ? »

Après avoir fini de parler, d'un coup de poing, il frappa la tête d’Uppalavanna. Parmi les princes de la dynastie Sakya, la force du Bouddha était la plus grande, suivie par Nanda, et le troisième était justement Devadatta. Comment la tête de Bhiksuni Uppalavanna pouvait-elle supporter un coup donné de toute force par Devadatta ? Ainsi, Bhiksuni Uppalavanna, une Bhiksuni noble de cette génération, la première en pouvoirs surnaturels, fut après tout tuée sur le coup ! Par conséquent, au moment de sa mort, Devadatta avait en fait déjà commis trois crimes majeurs parmi les cinq crimes : détruire l'harmonie du Sangha, faire saigner un Bouddha et tuer un Arhat.

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Ce texte se termine ici, mais j'ai encore quelques points à rajouter et expliquer.

Premièrement, le contenu de cet article est basé sur plusieurs textes de Vinaya (discipline), mais essentiellement sur le texte de Mulasarvastivada (根本說一切有部律). En raison de la disparité de ces différents textes, l’auteur n’a pas pu s’empêcher de recourir à son propre point de vue pour faire des choix, puis écrire cet article. Par conséquent, cet article ne peut pas être déterminé à partir du point de vue de tel ou tel texte de Vinaya.

Deuxièmement, il y a plusieurs traductions chinoises du nom d’Uppalavanna en chinois.

Troisièmement, bien que l'auteur ne sache pas écrire de la littérature biographique, pour écrire une biographie à partir des textes de Sutra ou de Vinaya, des retouches dans la structure des mots et dans la description des comportements psychologiques et physiques sont nécessaires afin de faire vivre les personnages écrits. Pour cette exigence, de nombreuses parties de cet article sont basées sur les hypothèses de l'auteur et non sur la traduction littérale des Sutras. Les lecteurs ne sont donc pas tenus de considérer cet article comme une examination ou un amendement des textes historiques ou des Sutras. Certes, puisqu’il s’agit d’une biographie d’un être noble, le contenu et les faits sont bien fondés et réels. L’auteur n’ose absolument pas inventer un seul fait ; pour cela, je peux prendre la responsabilité envers les lecteurs.

(11-09-1963 écrit à Taïwan dans le temple bouddhiste Jhaoyuan)