Rancune
 

Six bons amis (appelés Avidité, Colère, Ignorance, Doute, Orgueil et Sagesse) partaient ensemble pour faire un bilan de santé. Quand ils discutaient dans la salle d'attente de la clinique, une infirmière demanda à Doute (étant le premier parmi les six d'entre eux) d’aller dans la salle de consultation. Doute termina son examen médical en moins de dix minutes, il pensa alors : « La consultation est assez rapide, donc cela ne va pas prendre du temps d’attendre la fin des examens de mes cinq autres amis avant de pouvoir aller prendre le goûter ensemble. » Il retourna à la salle d'attente pour rejoindre ses amis et continua de bavarder avec eux joyeusement.

Un peu plus tard, l'infirmière appela Avidité. Il resta dans la salle de consultation pendant environ trente minutes. Puis Colère, Ignorance et Orgueil allèrent dans la salle de consultation successivement et de même, chacun d'eux passa une trentaine de minutes à l'intérieur.

A ce moment-là, Doute commença à se demander pourquoi le médecin avait mis tellement de temps à examiner ses quatre amis mais seulement si peu de temps pour lui-même. Le médecin était-il un peu superficiel quand il le diagnostiquait ? Pendant qu'il songeait à cette question, il entendit l'infirmière appeler Sagesse. Doute regarda sa montre et demanda ensuite à Avidité, Colère, Ignorance et Orgueil avec doute pourquoi ils étaient tous restés dans la salle de consultation si longtemps.

Avidité dit que le médecin lui avait expliqué les méfaits de l’avidité ; Colère dit que le médecin lui avait donné des méthodes pour traiter le ressentiment ; Ignorance dit que le médecin lui avait conseillé de ne pas s’attacher à l'engouement alors qu’Orgueil dit que le médecin lui avait analysé la séquelle de l'arrogance.

Sachant que le médecin avait examiné ses quatre amis avec grand soin, Doute se sentait contrarié. Pourquoi le médecin ne l'avait-il pas diagnostiqué attentivement ? Le médecin l’avait simplement regardé, vérifié son pouls et puis, il lui avait demandé de partir. Lorsque Doute continuait de réfléchir sur le comportement du médecin, il devenait de plus en plus mécontent et déduisait que le médecin avait un "esprit conditionné" comme il ne l'avait pas traité aussi bien.

A ce moment-là, la salle de consultation fut de nouveau ouverte et Sagesse sortit avec l'air très détendu. Doute regarda sa montre à nouveau et fut surpris de constater que Sagesse avait passé un temps encore plus court à l'intérieur de la salle de consultation, ce n’était que cinq minutes. Pourtant, il n'y avait aucune trace de mécontentement sur Sagesse. Doute demanda ainsi à Sagesse : « Est-ce que le médecin t’a examiné avec grand soin dans un temps si court ? »

« Certainement. Le médecin trouve que je suis bien et en bonne santé », répondit Sagesse.

Cependant, la durée de consultation dérangeait encore Doute, il parla alors de nouveau à Sagesse : « La durée de nos diagnostics est moins de dix minutes, mais pour les quatre autres, ils avaient tous une consultation d’une demi-heure. Penses-tu que le médecin est injuste comme il nous a examinés sommairement ? » En secouant la tête, Sagesse montra son désaccord à Doute.

Entre-temps, le médecin sortit de son cabinet et lorsqu’il vit Doute, il lui dit : « Etrange ! Vous aviez l’air bien tout à l’heure, mais pourquoi êtes-vous tellement malade en ce moment ? Suivez-moi et je vais vous donner quelques antidotes. » Il emmena alors Doute dans la salle de consultation à nouveau.

Post-scriptum :

Les médecins traitent leurs patients de la même manière : tout ce qu'ils aimeraient faire est de guérir les patients de leurs maladies afin qu'ils puissent être libérés de leurs souffrances. Comme des patients différents souffrent de différentes maladies, les médecins vont leur donner différents traitements médicaux en conséquence. Doute était jaloux que le temps d’examen de ses amis fût plus long que le sien, cela le rendait suspicieux auprès du médecin et il essayait donc de deviner la raison au hasard. Il remettait même en question l'éthique professionnelle du médecin, ce qui par conséquent conduisait à son infection au virus de "l'ignorance". C’était une telle tragédie. Bien que le temps du diagnostic de Sagesse et de Doute fût presque le même, leurs réactions étaient totalement différentes. La situation était comme le génie contre l’imbécile, l’ange contre le démon ou l'illumination contre la confusion dans laquelle ils étaient comme "les deux côtés le long d'une ligne" ou "séparés par un morceau de papier", ce qui est une légère dislocation résultant de deux conséquences contrastées.

De même, notre Guru est comme un merveilleux médecin expérimenté guérissant les êtres, considérant tous les êtres de manière égale tout en leur enseignant selon leur destin et niveau. Notre Guru est dans l'état de "upekkha" (équanimité, un esprit "inconditionné"). Ceux qui ont des "esprits-conditionnés" sont seulement des êtres pitoyables eux-mêmes.