Etre préparé
 
Rinpoche fit un discours en premier le 27 mars 1994
Rinpoche le réitéra dans l’Association Vajrayana (France) en octobre 1994
Le membre confirmé en France Lai le réitéra de nouveau au nom de Rinpoche le 31 mars 2002 (environ huit ans après)
Mis en ligne sur le site le 8 septembre 2014 (puis environ douze ans après de nouveau)

Introduction
Le Yogi bouddhiste C. M. Chen, un prédécesseur tantrique de l’époque récente, a dit une excellente parole : « Dépenser de l'argent impermanent pour acheter la terre du renoncement qui doit être fortifiée avec l’observance du Vinaya (les préceptes). Après avoir été semée, la graine de la Bodhicitta est irriguée avec l'eau de la compassion et est richement engraissée par la méditation. Avec la floraison de la fleur de la sagesse, c’est ensuite suivi par la maturité du fruit de la Bouddhéité. » Ainsi, on peut voir l’importance primordiale du renoncement dans la pratique spirituelle.

Contenu

1. Nos parents, qui nous ont donné naissance, nous ont permis de posséder nos corps physiques. Le plus grand et le meilleur moyen d'exprimer notre gratitude est "d’atteindre l’éveil dans la vie présente". Rien ne peut être meilleur que cela. Pour assurer les réalisations avec le corps actuel, la pratique du Bouddhisme tantrique est essentielle. En outre, les réalisations dans tous les aspects (du Bouddhisme tantrique), incluant « les doctrines externes, les doctrines internes, le Dharma ésotérique et les méthodes ésotériques confidentielles », sont également nécessaires.
  Si l'on souhaite simplement naître dans la Terre Pure du Bonheur Suprême dans la vie future, on peut simplement concentrer son attention sur l’invocation du nom sacré du Bouddha ou sur la récitation des mantras tantriques de tout coeur. Pourquoi se préoccuper de pratiquer les plus précieuses et excellentes Doctrines tantriques ? Si l'on est destiné à apprendre le Bouddhisme tantrique, mais que l’on est incapable d'avoir des réalisations avec le corps actuel (ou d'être éveillé dans la vie présente), c’est simplement comme revenir d'une montagne de trésors avec les mains vides (c'est-à-dire : on est supposé faire de grands gains, mais on n’y parvient pas). On peut juste penser à tous ceux qui ont atteint l’éveil avec leur corps présent dans les dynasties passées depuis les anciens temps ; ils ont tous abandonné et coupé tout ce qu'ils avaient pour pratiquer dans le renoncement, n'est-ce pas ? Les exemples sont notre Fondateur, Bouddha Sakyamuni, le Patriarche Padmasambhava, le Vénérable Milarepa, le Vénérable Tsongkhapa, etc. ainsi que les nombreux Gurus remarquables et distingués de l’époque actuelle qui ont déjà eu leur vie future (décédés). Ils ont tous généré le plus courageux et le plus puissant esprit de renoncement pour aller pratiquer.
  Rinpoche dit : « Si l'on veut être éveillé dans sa vie présente, le renoncement est indispensable. Ici, cela se réfère au renoncement de l'esprit, c’est-à-dire que l’on n’est pas capturé par la gloire et la richesse (parce que l'on est capturé soi-même sans s’en rendre compte). On peut ainsi se concentrer sur la pratique avec un seul esprit. »
  Si nous nous contentons uniquement de pratiquer les doctrines externes (d’être impliqués dans ceci et cela) dans cette vie, il est fondamentalement très difficile pour nous de progresser dans la pratique réelle des doctrines internes. C'est trop pitoyable comme cela. Certes, si l’on ne pratique même pas de doctrines externes, alors il ne faut pas mentionner la pratique spirituelle.
  Il faut éviter de mal interpréter le mot "renoncement". Le "renoncement" ne signifie pas que l’on vous demande de fuir votre maison, ou de tout laisser tomber, de ne s’occuper de rien et de laisser votre propre fardeau à une autre personne qui le supportera à votre place. Le renoncement ne se réfère pas non plus au fait de devenir un moine ou une nonne bouddhiste. Son sens réel est de laisser votre esprit à l'écart des affaires mondaines et de lâcher prise toutes les relations. C’est uniquement pour la pratique spirituelle que l’on survit sur cette Terre.
     
2.   Beaucoup de gens ne pensent pas qu'ils "poursuivent la gloire et le gain" parce qu'ils sont si impliqués dans la poursuite qu'ils en sont inconscients (par exemple, les hauts fonctionnaires souhaitent être le président, les maîtresses souhaitent être les premières épouses, les cadets souhaitent devenir les grands frères). Certaines personnes ne sont pas conscientes qu'elles aiment "le pouvoir et le statut" simplement parce qu'elles ne s’en rendent pas compte. Il y a quelqu’un qui pense qu'il n'a pas besoin d'une petite amie alors que son comportement montre qu'il en a vraiment besoin. Pourtant, il ne s’en rend pas compte. Dans l'ensemble, tout cela est causé par l’attrait du karma ainsi que par le résultat de l'ignorance. Même si notre Guru a essayé de manière sincère et maternelle avec tous les moyens possibles de nous convaincre avec les nombreux discours réalisés jusqu'à ce que sa langue ainsi que ses lèvres soient desséchées et que sa voix soit rauque d’épuisement, les êtres sont encore entravés par l'ignorance qui les fait tomber inexplicablement dans les mains du démon ! En conséquence, quand on dit que l'on a décidé de commencer à pratiquer pour l'illumination parfaite mais que l'on n'a pas encore l'esprit de renoncement, comment cela peut-il être considéré comme une véritable initiation du coeur-donnant pour la pratique spirituelle ?!
     
3. Pour les pratiquants ordinaires n’ayant pas encore rejeté la méthode mondaine, c’est peut-être mieux de les décrire comme des "pratiquants" qui veulent apprendre la pratique, ou alors qui imitent l’attitude et le comportement d'un certain pratiquant (par exemple, il y a quelqu'un qui ressemble à un pratiquant, alors je l'imite ; il boit, alors je bois ; il pratique une fois par jour, je pratique aussi une fois par jour ; il court après une fille et je fais pareil, etc.) La plupart de ces gens ont une perception impure dans la pratique ; leur résolution et leur détermination ne sont donc pas assez grandes pour prendre une décision audacieuse, puissante, droite et franche dans la pratique. Ils deviennent rapidement paresseux dans la pratique ou cessent même de pratiquer. Ils doutent aussi d’être allés dans la bonne voie, ce qui leur fait abandonner à mi-chemin.
  Une autre personne a demandé à Rinpoche : « Guru, je vous donne les Huit Caractères (en quatre paires, comprenant l'année, le mois, le jour et l'heure de la naissance d'une personne) de ma date de naissance. Pourriez-vous m'aider à les organiser dans le Tik Pan Sou (une sorte d’astrologie) ou dans le Zi Wei Dou Sou (une sorte d’astrologie) ? Ou peut-être, voudriez-vous faire une exception pour dire ma fortune en utilisant la voyance miraculeuse (une sorte d’astrologie) et pour voir si j'ai le destin de la pratique spirituelle ? Si je m'engage vraiment dans la pratique, aurai-je des réalisations ? » En fait, c'est un tas de paroles absurdes pour demander tout cela. Ceci est dû à l'absence de perception correcte de la pratique. Pour pratiquer, il faut avoir une initiation du coeur-donnant, la Grande Bodhicitta, un esprit diligent, un esprit impartial, un esprit courageux et puissant…
Si la réponse de Rinpoche est "Non", vous pouvez alors l'utiliser comme une excuse pour dire "sans souci" que « Rinpoche a dit que je ne suis ni destiné à pratiquer, ni voué à avoir des réalisations, je n'ai donc pas besoin de pratiquer dans cette vie. »
Si la réponse de Rinpoche est "Oui", vous commencerez alors à pratiquer et ce, peut-être pendant un certain temps. Vous pouvez peut-être continuer à pratiquer pendant trois à cinq ans, ce qui n'est déjà pas mal ! Cependant, n'oubliez pas que vous commencez à pratiquer uniquement en suivant les instructions de Rinpoche (c’est certainement très bien de suivre les paroles du Guru). Comme il y a un manque de votre "initiation du cœur-donnant", la vertu méritoire que vous avez reçue sera limitée. Par ailleurs, cela reste inconnu si vous pouvez maintenir la pratique pendant encore quinze ou vingt années. Vous irez peut-être au "chemin du retour" à ce moment-là ou même "perdrez votre enthousiasme" en vous abandonnant, en quittant, voire en trahissant votre Guru ! En fait, Rinpoche espère que vous pourrez vous éveiller sur ce point par vous-même (dès le début).
  Par conséquent, il faut générer un esprit inébranlable de renoncement en premier lieu. L'esprit de renoncement qui se produit occasionnellement en raison de facteurs comme l'émergence d'une certaine circonstance n'est pas fiable. Il faut pratiquer à maintes reprises et au cas où l'esprit de renoncement se produit, il faut le fixer fermement afin qu'il n'y ait aucun moyen de se retirer. Deuxièmement, il faut initier véritablement le cœur-donnant. Ce n'est qu'avec ces deux fondements que l'on est considéré comme étant officiellement entré au seuil du Bouddhisme tantrique pour commencer à pratiquer.
     
4. Quand un pratiquant est bien préparé, au moment propice, son Guru se manifestera naturellement devant lui pour commencer à l'enseigner. "Etre bien préparé" ne se réfère pas seulement à ceux qui possèdent déjà l'esprit de renoncement et une forte volonté de pratiquer, mais aussi à des personnes qui peuvent lâcher prise toutes les affaires égocentriques. Si vous n'êtes pas encore "bien préparé", vous n'êtes pas en mesure de vous plaindre que le Guru n'est pas apparu pour vous enseigner ou n'a pas encore commencé à vous enseigner.
  Parfois, un pratiquant suffisamment bien préparé devrait aussi voyager partout pour chercher un Maître. Si le Maître peut être trouvé, cela montre que votre préparation a été dense. Vous avez ainsi accumulé assez de karma positif pour rencontrer le bon Maître. Après avoir un Maître, cela dépend encore de la fortune prédestinée de chacun, car le récipient (la retenue du dharma) de chaque individu peut être très différent !
  La relation prédestinée est l’importance primordiale dans le Bouddhisme tandis que dans le Bouddhisme tantrique, la coproduction conditionnée est encore plus importante. Un pratiquant qui a un "renoncement indivisible" peut finir par être enfermé dans sa cellule de méditation pour toute sa vie car il n'a pas encore accumulé suffisamment de conditions méritoires. Si l'on rencontre un tel obstacle dans sa pratique, il doit s'agir de quelque chose de liée à son karma et à sa rétribution dans son existence antérieure. Des exemples (de ce genre de pratiquant) se retrouvent souvent dans les Sutras bouddhiques. Par conséquent, il n'est pas surprenant de constater que l’Eveil peut être quelque chose d'inaccessible pour certains pratiquants.
     
5. Quelqu'un a demandé à Rinpoche s'il pouvait apprendre auprès de Rinpoche et atteindre l'état d'Anuttara (suprême) au cas où il voulait pratiquer. Rinpoche lui a posé au contraire quelques questions comme réponse : « Avez-vous terminé la pratique des Quatre Préliminaires ? Avez-vous rempli les conditions du "premier niveau" ? Avez-vous une base pour votre Yidam Sadhana ? Avez-vous achevé le "deuxième niveau" ? Y a-t-il eu une base pour votre capacité de méditation ? Avez-vous accompli votre Yidam Sadhana ? Si vos réponses à la série de questions sont toutes "Non", comment pouvez-vous vous attendre à ce que Rinpoche vous permette d'avoir des réalisations dans ce cas ? Vous ne vous êtes pas encore "préparé" !
  Lorsque vous êtes vraiment bien préparé avec tout ce qui a été mentionné ci-dessus et souhaitez pratiquer des "doctrines internes", Rinpoche, au contraire, vous posera la question la plus simple : « Est-ce que votre "esprit" est prêt ? »
  Qu'est-ce que "l'esprit" ? C'est quelque chose que vous devez réaliser, comprendre et expérimenter vous-même ! Si le Guru trouve que vous êtes déjà bien préparé avec tout ce qui a été mentionné ci-dessus, mais que seul "l'esprit" n'est pas encore prêt, il vous aidera à préparer votre esprit en employant une variété de moyens/méthodes/doctrines/dharma pour tempérer soigneusement votre esprit au travers d’un entraînement sévère.
 
 
Conclusion
Dans les "Versets Racine (根本警策偈)" duLivre Tibétain des Morts : La Grande Libération dans le Bardo (中陰得度)》(l'existence intermédiaire entre la mort et la réincarnation), écrit par le Patriarche Padmasambhava, il dit : « Suivre la routine et travailler négligemment sans penser au fait que la mort approche ; mener une existence vide et mourir complètement sans valeur en continuant à faire des choses inutiles qui gaspillent le temps précieux sans scrupule. Dans le cas d’un retour finalement avec les mains vides, ce sera très pitoyable ! En voyant que le Dharma sacré est quelque chose dont vous avez vraiment besoin, pourquoi ne pas vous y consacrer de tout coeur ? » Il dit aussi : « … Suivre la nature de coexistence et d’égalité de la Matière et de l’Esprit (ou du matériel et de l’immatériel) pour manifester la nature du Bouddha afin de s’assurer que le Trikaya (le corps triple d'un Bouddha : corps de Dharma, corps de Rétribution, corps d'Emanation) peut être atteint simultanément. Puisqu’un corps humain est obtenu en cette occasion, j'espère que je ne gaspillerai plus ma vie. »
Si un pratiquant peut se rendre compte que posséder un corps humain est difficile, que la mort est impermanente, que les enseignements du Bouddha sont rares, et que le Bouddhisme tantrique est encore plus difficile à être réclamé, il devra ainsi hautement apprécier tout cela, en particulier le Bouddhisme tantrique exceptionnel et suprême. Pour se dévouer à la pratique spirituelle, il ne faut jamais s’enthousiasmer pour trois minutes, trois ans ou treize ans... dont il y a une certaine limite, et il ne faut pas non plus se servir de la "pratique" comme une belle excuse pour s’échapper à accomplir ses propres responsabilités. En effet, on devrait être persévérant, patient dans la pratique afin de saisir l'opportunité d'atteindre les réalisations dans cette vie présente.
Les pratiquants devraient "être préparés dans tout" le plus tôt possible parce que « c’est rare d'entendre le Dharma ésotérique et maintenant, on l’a entendu ; c’est rare d'obtenir un corps humain et maintenant, on l’a obtenu. On a déjà traversé des milliers de kalpas et des centaines de renaissances (très, très longtemps) pour obtenir le corps humain. Si l’on n'est pas encore déterminé à atteindre l’Eveil dans cette vie (précieuse), sur quelle vie future peut-on encore compter pour se délivrer ? » Gardez toujours à l’esprit que l’opportunité ne frappe pas deux fois à la porte !
Rinpoche a guidé ses disciples (nous) sans relâche durant plus de trente ans avec des discours à la fois habiles dans l’illustration et bienveillants dans l’instruction. Condensant les nombreuses doctrines en essence et en points clés, Rinpoche a mis beaucoup d'effort, de temps et d'énergie pour nous guider, nous instruire et nous enseigner. Cependant, combien d'entre nous pouvons vraiment connaître et apprendre la compassion avec la bonne intention de notre Guru ? Parfois, Rinpoche nous donne des discours jusqu'à ce que ses lèvres soient brisées et que sa voix devienne rauque, juste pour nous permettre de comprendre la signification de "bien préparer le corps et l’esprit ainsi que de commencer à pratiquer dès que possible".