Le "bonheur" dans la vie quotidienne et
la "
réalisation" dans la pratique bouddhiste
 
Rinpoche fit un discours en premier le 19 décembre 1993
Le membre confirmé en France Lai le réitéra au nom de Rinpoche le 23 février 2003 (environ dix ans après)
Mis en ligne sur le site le 8 septembre 2014 (puis environ onze ans après de nouveau)
 
Introduction (1)
Le processus de la vie est comme une route, mais pas "une destination".
Le bonheur est trouvé le long de la route plutôt qu'à la fin de celle-ci ; le moment opportun d'avoir du bonheur est là maintenant, en ce moment, mais pas à demain matin.
Si l'on veut attendre l'arrivée du bonheur, on sera certainement déçu pour toute sa vie car le bonheur doit être saisi et expérimenté durant le parcours de la vie.
   
Contenu (1)
Le processus de pratique spirituelle est aussi comme "une route", mais pas "une destination".
Les réalisations sont trouvées le long de la route de la pratique, mais pas à la fin de celle-ci ; le moment décisif pour atteindre des réalisations est en ce moment particulier, mais pas à demain matin.
Si l'on veut attendre l'arrivée des réalisations, on sera finalement déçu pour toute sa vie car les réalisations doivent être comprises et expérimentées personnellement lors du voyage dans la pratique spirituelle.
 
Introduction (2)
La plupart d'entre nous ont déjà manqué l’opportunité d'avoir du bonheur ou de sentir la présence de celui-ci parce que nous sommes involontairement tombés dans deux notions erronées :
1. Un objectif-temps est fixé pour trouver le bonheur
  Nous entendons souvent les gens dire : « Lorsque j’aurai fini mes études, je serai... ; lorsque j’aurai trouvé un emploi, je serai... ; après mon mariage, je serai... etc. Ou peut-être lorsque je serai promu, je ferai tel arrangement ; quand je serai divorcé, j’irai... ; après être promu manager, j’irai... Quand le cours de mes actions aura augmenté, alors je serai... etc. » Tous ces genres d’objectifs planifiés "futurs", et ainsi de suite.
  Toutefois, lorsque ce "moment" particulier arrive, on ne ressent pas nécessairement le bonheur que l'on a toujours imaginé.
     
2. "Le bonheur n’est pas facile à trouver" est présumé
  La plupart des gens ne saisissent pas le moment d'avoir du bonheur. En fait, le bonheur est toujours autour de soi, il nous accompagne n’importe quand et n’importe où, peu importe si l'on ressent sa présence ou non. Ce sont notre conduite, nos actes ainsi que notre degré de dévotion qui affectent notre propre bonheur (désastre et bonheur).
  Le bonheur est quelque chose que l'on est en mesure de trouver, de jouir et d'expérimenter à tout moment durant le parcours de la vie.
 
Les deux notions erronées ci-dessus nous font penser que le bonheur est quelque chose de très lointain ou difficile à obtenir. Par conséquent, nous avons tendance à négliger les bouts de bonheur qui nous entourent "en ce moment", "à cet instant" et "à cet endroit particulier" (c’est-à-dire l’oratoire/le Mandala) qui est nommé la fontaine du bonheur. En outre, nous nous sommes trompés sur le fait que le bonheur peut être atteint seulement à un "temps" spécifique, à une "occasion" ainsi qu’à une "forme". En fait, cela n’est pas ainsi. Tant que nous pouvons apprécier et avoir la gratitude, chaque petit bout est de la joie et le bonheur peut donc être ressenti à chaque instant.
 
Contenu (2)
Après avoir tellement discuté sur le bonheur, qu’est-ce que je vais faire ressortir ? C’est que la plupart d'entre nous avons manqué l'occasion d'avoir des réalisations dans la pratique tantrique car nous avons involontairement sombré dans deux faux concepts ou deux obstacles de ce qui est connu.
1. Un objectif-temps est fixé pour obtenir des réalisations
  Nous entendons souvent beaucoup de pratiquants (ou disciples camarades qui étudient auprès du même Maître) dire : « Quand j’aurai fini d’apprendre la Pratique des Quatre Préliminaires, je serai... ; attendons jusqu'à ce que j’aurai appris l’Homa (une offrande brûlée dans laquelle la sagesse est symbolisée comme le feu qui brûle les fagots de la passion et de l'illusion de manière à être préparé pour le Nirvana), alors je pourrai... ; après être devenu un Guru, je sauverai les êtres de telle ou telle manière... etc. Ou peut-être lorsque je finirai de lire tous ces Sutras, je serai sage et intelligent (alors que la compréhension de la lecture et l’assimilation sont négligées) ; après avoir lu tous ces livres, je serai plus intelligent et plus habile que les autres. »
  Cependant, lorsque ce "moment" particulier arrive, vous n’atteignez pas nécessairement les réalisations que vous avez toujours imaginées. (C’est parce que vous montrez que vous êtes mesquin, grossier, avide, jaloux, stratagème, hypocrite... etc.)
     
2. "La réalisation n’est pas facile à atteindre" est présumé
  La plupart des pratiquants considèrent l’atteinte des réalisations comme un rêve qui est visionnaire et aussi inaccessible. En fait, la "réalisation" est toujours à vos côtés en attente que votre Guru la dévoile pour vous à la coïncidence fatidique optimale. En d'autres termes, vous avez seulement besoin d'attendre le moment opportun où votre Guru unit ensemble la réalisation et vous. C’est ce que l’on a fait, ainsi que notre degré de dévotion (coeur-donnant et Bodhi-citta) qui affectent nos réalisations. Une cause entraîne nécessairement un effet, on récolte ce qu'on a semé !
     
Les deux notions erronées ci-dessus nous font penser que la "réalisation" est quelque chose de si lointain que nous sommes démotivés et manquons de force motrice pour pratiquer. Ou bien, nous pensons que la "réalisation" est trop difficile à atteindre, et nous devenons ainsi négligents, paresseux et peu actifs dans le comportement de notre pratique. Par conséquent, nous avons tendance à négliger les gouttelettes de réalisations qui sont autour de nous "en ce moment", "à cet instant" et "à cet endroit particulier". Ces gouttelettes de réalisations proviennent de notre Guru qui utilise ses actes physiques comme de bons exemples et nous donne des instructions verbales chaque jour, chaque instant, ainsi que dans chaque circonstance. En employant des méthodes différentes pour nous enseigner, guider et nous éveiller, notre Guru a progressivement empilé pour nous des coeurs et des âmes parfaits, ainsi que des paroles et des actes irréprochables. En outre, il a également contribué à nous purifier notre monde intérieur et à améliorer notre spiritualité afin que nous puissions nous approcher de la plus vertueuse nature du Bouddha et marcher vers la bouddhéité absolue. En fait, pourvu que nous puissions voir au travers, comprendre, nous éveiller, apprécier et avoir la gratitude, nous saurons que notre Guru aura versé des réalisations goutte par goutte dans nos cœurs et dans la conscience profonde de notre cerveau (esprits).
 
Conclusion :
Revenons à la vie quotidienne, en fin de compte, qu’est-ce qui devrait être considéré comme "avoir du bonheur" ? Il n'y a pas de norme objective pour cela. Le bonheur individuel n’est en fait pas quelque chose d’intangible (c’est-à-dire qu’il peut être ressenti). Le problème est que les désirs des humains sont illimités et insatiables. Lorsque l’on donne aux êtres un pouce, ils vont exiger un yard. De même, lorsque l'on possède cent mille (dollars), on va penser à avoir un million. En effet, les gens ordinaires possèdent les éléments pour avoir du bonheur. Par exemple, la santé, être sains et saufs, la liberté, les vêtements et la nourriture suffisants, la vie paisible et satisfaisante... etc. Dans n’importe quelle société (sauf dans certains pays totalitaires), la grande majorité des gens peuvent jouir de ces types de bonheur. Pouvez-vous voir que même des fous ou des mendiants qui vivent sous les ponts montrent parfois leurs sourires sincères ? (Parfois, être une personne avec un esprit de Ah Q (remarques : Ah Q est un personnage de roman qui vient de la classe paysanne rurale avec peu d'éducation et sans profession stable, il a peur des gens qui sont au-dessus de lui au niveau du rang, de la force ou de la puissance. Il se persuade mentalement qu'il est spirituellement "supérieur" à ses oppresseurs même s'il succombe à leur tyrannie et à leur répression, ce qui est connu comme des "victoires spirituelles" de Ah Q) peut aider à réduire beaucoup de stress mental inutile). Néanmoins, combien de personnes peuvent "vraiment comprendre" ce qu’est le bonheur et en jouir ?
  Les gens en bonne santé ne font pas attention à leur santé, certains se livrent même à des plaisirs sensuels pour se torturer (en pensant que les plaisirs sensuels peuvent apporter du bonheur).
  Les personnes vivant librement n’apprécient pas la liberté. Au contraire, elles provoquent partout des problèmes inutiles (en se méprenant sur le fait que faire ce que l’on veut est du bonheur).
  On doit attendre que les problèmes surviennent au niveau de sa santé ou lorsque sa liberté est enlevée (par exemple l'emprisonnement) pour que l'on soit capable de réaliser ce qu’est le "bonheur" !
   
En revanche, après tout, qu’est-ce qui devrait être considéré comme "atteindre la réalisation" dans la pratique spirituelle ? C’est également difficile d'avoir une norme objective pour cela. Vous êtes bon dans le dhyana (dans la méditation profonde), mais vous avez une déviation dans votre intonation ou un problème technique en récitant des mantras. Vous avez atteint quelques réalisations dans la récitation des mantras, cependant, il y a beaucoup de lacunes dans vos préceptes. Vous avez réussi à maintenir vos préceptes de manière minutieuse et rigoureuse que le Gardien des Préceptes est toujours à vos côtés, et pourtant, vous êtes "attaché" (têtu) dans vos pensées. Peut-être que vous êtes éveillé et très sage (vous pensez vous-même avoir réalisé !), néanmoins, vous êtes si orgueilleux et insolent de votre talent que cela vous rend paresseux (non diligent dans la pratique). Ou peut-être que vous êtes bien connu pour la traduction des sutras bouddhistes, mais vous n’avez pas de temps à consacrer pour sauver les êtres. Si vous sauvez des êtres et avez déjà sauvé beaucoup d'entre eux, toutefois, pour pouvoir sauver les êtres, cela exige des talents diversifiés dans lesquels "diversifié" signifie "très convenable". "Très convenable" implique aussi des "moyens habiles" et lors de l'utilisation des moyens habiles, vous allez inévitablement dire quelque chose à l’encontre de votre conscience. Ou bien, malgré le fait d’avoir acquis des réalisations dans de nombreux aspects, incluant la traduction des sutras, le maintien des préceptes, la pratique de la méditation (dhyana) et la délivrance des êtres, vous n'êtes pas capable de sauver immédiatement un être d'une situation dangereuse, d’une position difficile ou d'une catastrophe. Par conséquent, il est difficile de fixer une norme pour "l’atteinte des réalisations". Il ne faudrait pas avoir une pensée "d’avidité" dans l’atteinte des réalisations, l’avidité est causée par le fait que l'on espère avoir des réalisations dans tous les aspects. Si vous voulez vraiment être en mesure de le faire, vous devez suivre un sage Guru auquel vous considérez pouvoir vous attacher. Par exemple, vous commencez à avoir la réalisation en vous spécialisant dans la récitation de mantras, puis vous atteignez la réalisation dans la pratique du dhyana. Après cela, vous possédez la réalisation des préceptes dans votre vie quotidienne. Ces gouttes de réalisations viennent du Guru auquel vous vous attachez. Il vous aide et vous soutient de façon désintéressée sans se soucier de son propre corps afin que vos mérites de la vertu bénie et de la sagesse soient accumulés progressivement.
   
Malheureusement, quand on observe de manière générale les pratiquants contemporains, il est dommage de constater que seulement très peu d'entre eux respectent et considèrent leur Guru comme des trésors, et qu’ils apprécient le Dharma tantrique transmis. Comment les pratiquants qui ne sont pas capables de faire ainsi peuvent-ils parler d’"atteinte de réalisations" ? Cela n'a aucun sens !
Ceux qui pratiquent la Pratique des Quatre Préliminaires sont indifférents à cette pratique. Ils pensent que c’est seulement une étape ou un tremplin. Le plus important Dharma devrait être soit le Yoga du Guru ou le Sadhana du Yidam.
Ceux qui pratiquent le Sadhana du Yidam n’accordent pas d’importance à celui-ci non plus. Comme les pratiquants ont une trop haute estime d’eux-mêmes, ils n’ont pas suivi les vœux de leur Yidam dans leur comportement.
Ceux qui pratiquent le Yoga du Guru ne réalisent pas l'importance de leur Guru. Ils ressentent même du mépris envers leur Guru et ils manquent donc la capacité de passer la plus grande épreuve avant de pouvoir atteindre les réalisations au travers de la pratique du Bouddhisme tantrique — celui qui reste toujours autour d'un Guru physiquement peut devenir le plus éloigné de lui mentalement. C’est parce que le Guru apparaît comme moi : il a besoin de manger, de dormir, d’aller aux toilettes, de marcher sur les routes, de pratiquer le même Dharma...
 
Après avoir pratiqué pendant de nombreuses années, disons dix ans, vingt ans ou trente ans, jusqu'à affronter le moment juste avant la mort, on est choqué de constater que l'on a des doutes dans la pratique du Yoga du Guru. Il y a aussi des problèmes dans les pratiques du Sadhana du Yidam et de la Pratique des Quatre Préliminaires. Il semble que l’on n’a réalisé aucune union avec les Dharmas que l’on a toujours pratiqués. Ou peut-être en se rappelant de l’union soi-disant que l’on a réalisée il y a plusieurs décennies, cela pouvait seulement être considéré comme des sorties entre des enfants main dans la main (c’est-à-dire ce n’est pas grand-chose). Cela ne vaut qu’un rire après avoir pensé à ce sujet. Maintenant, on est face à la question grave de la vie et de la mort, "on a tellement peur que cela nous fait souffrir d'insomnie", comme on commence à réaliser ce que les "réalisations" devraient être en réalité. C’est seulement alors que l'on peut vraiment comprendre ce que signifie « les réalisations sont acquises en suivant la méthode de votre Guru (c’est-à-dire en obéissant aux instructions de votre Guru et en suivant ses conseils) ». C’est l'une des sages paroles des 50 Stances de Dévotion au Guru. Ne serait-ce pas trop déplorable et regrettable dans ce cas !