Une pensée lui vint subitement à l'esprit : « Ces fleurs de lotus sont vraiment belles. Si j'en cueillais une pour la garder avec moi, je pourrais respirer son doux parfum et me sentirais complètement rafraîchi ! »

Ainsi, il se courba et cueillit une fleur du bord de l'étang. Au moment où il s'en alla, il entendit une voix grave et lourde gronder fortement : « Qui es-tu ? Comment oses-tu voler ma fleur de lotus ! »

Le pratiquant regarda autour de lui, mais n'aperçut rien. Il fixa alors son regard sur le ciel et dit : « Qui êtes-vous ? Qu'est-ce qui vous fait dire que la fleur de lotus vous appartient ? »

« Je suis l'Esprit de l'Etang de Lotus. Toutes les fleurs de lotus de cette forêt m'appartiennent. C’est bien dommage que tu sois un pratiquant bouddhiste ! En dérobant ma fleur de lotus, l'avidité a grandi dans ton coeur. Tu ne sais pas te remettre en cause, t'autocritiquer et te repentir, et tu oses même demander si cette fleur de lotus m'appartient ! », répondit la voix dans le ciel.

Le pratiquant ressentit un profond remords. Il se mit immédiatement à genoux pour se confesser et se prosterna vers le ciel : « Esprit de l'Etang de Lotus ! Je sais que j'ai mal agi. A partir de maintenant, je me repens de tous mes péchés. Je jure de ne plus être avide et de ne plus prendre tout ce qui ne m'appartient pas. »

Au moment où le pratiquant, empli de honte, était en train de se confesser, un homme arriva au bord de l'étang. « Voyons ! », marmonna-t-il, « Tant de fleurs de lotus en pleine floraison ! Je les cueillerai toutes pour aller les vendre au marché et gagner de l'argent. Je verrai si je pourrai récupérer l'argent que j'ai perdu hier au jeu ! » Il sauta immédiatement dans l'étang et le piétina d'un sens à l'autre, arrachant toutes les fleurs de lotus de l'étang jusqu'à ce qu'il n'y en eût plus aucune en vue. Les feuilles de lotus étaient toutes piétinées, ne ressemblant plus à rien, et toute la boue du fond de l'étang était aussi renversée. Puis, l'homme partit avec un grand bouquet de lotus dans ses bras en éclatant de rire.

Le pratiquant s'attendit à ce que l'Esprit de l'Etang de Lotus se manifestât lui-même en protestation et que l'Esprit réprimandât ou punît ce voleur pour avoir dérobé toutes les fleurs. Mais, il n'y eut qu'un silence absolu.

Le pratiquant était complètement perplexe et demanda au ciel : « Oh, Esprit de l'Etang de Lotus ! Vous m'avez sévèrement réprimandé lorsque je cueillais juste une fleur de lotus, alors que j'étais humble et sincère. Maintenant, vous ne dites aucun mot à cette personne qui vient de prendre toutes les fleurs de lotus et qui a complètement détruit tout l'étang ! Est-ce que vous profitez des gens vertueux et vous vous cachez des méchants ? »

L'Esprit de l'Etang de Lotus dit : « Tu es un pratiquant bouddhiste. Tu es comme un tissu blanc sur lequel même une petite tâche serait voyante. Je t'ai donc rappelé afin que tu puisses ôter la salissure rapidement et laisser la pureté se réinstaller. La personne qui vient juste de voler toutes les fleurs de lotus est un scélérat. Il est comme une serpillière pour excréments où des saletés supplémentaires importent peu. Je suis donc resté silencieux car je ne pouvais pas l'aider. Je ne peux que le regarder supporter les conséquences de ses mauvais actes. Tu ne devrais pas te plaindre mais plutôt te réjouir. Tes défauts peuvent être vus et je suis prêt à te guider vers le droit chemin. Cela signifie que ton tissu reste encore très blanc et qu’il mérite d'être purifié. C'est quelque chose qui vaille la peine d'être fêtée !  »

Post-scriptum :

1. Il y a un célèbre adage chinois qui dit : « L'homme vertueux ne triche pas dans une pièce sombre ». Cela signifie que nous ne pouvons pas commettre de mauvais actes, même dans un lieu où personne ne peut voir. Si nous pouvons pratiquer ce que nous prêchons, maintenir nos pensées et nos actions à l'unisson, et pratiquer dans un "sanctuaire solitaire", nous cultivons alors déjà le chemin bouddhiste.
   
   Dans le Bouddhisme, la grandeur de la "Pratique Secrète" réside sur le fait qu'on peut pratiquer et atteindre l'éveil dans un "sanctuaire solitaire", sans que personne ne le sache. Les disciples des "Eveillés Solitaires" et des "Eveillés de Cause à Effet" peuvent atteindre l'éveil en méditant et en pratiquant le dharma dans un "sanctuaire solitaire" et en examinant la chaîne de cause à effet. Le célèbre dicton : « Un vertueux est prudent quand il est seul » a une grande signification. C'est seulement lorsqu'on est dans un "sanctuaire solitaire" que son niveau de pratique et son sens de la conscience sont révélés. Ainsi, dans le Bouddhisme, il est souvent dit : « Ne pas avoir peur quand l'ignorance apparaît, mais avoir peur quand l'éveil arrive trop tard ». Par conséquent, le meilleur moment pour mettre à l'épreuve sa pratique est quand on est dans un "sanctuaire solitaire".

2. Parfois, la réprimande est en réalité une bénédiction déguisée. Le Guru est un pratiquant spirituel accompli avec une conduite et une discipline hautement morales, et il ne réprimanderait pas quelqu'un au hasard. En tant que disciple, nous devrions accepter les conseils sur la discipline ou les mots stricts de sagesse de notre Guru avec un esprit ouvert et joyeux, afin de recevoir entièrement les mérites et les vertus de notre Guru. En outre, notre Guru est en fait en train de nous aider à effacer le karma et à purifier notre esprit. Ensuite, en tant que disciple, nous devons attentivement passer en revue nos actions, y réfléchir, et nous corriger en conséquence. Nous ne devons pas avoir de sentiments de colère envers notre Guru. C’est parce que votre Guru a de l’estime pour vous et qu’il vous considère comme une pièce de beau jade, il est prêt à vous "polir" et à vous discipliner ! Cependant, si votre Guru découvre que votre réaction est négative et que vous n'êtes pas disposé à accepter toute instruction, alors, afin d'éviter que vous ne génériez plus de karma (en insultant, en argumentant ou même en réprimandant votre propre Guru), votre Guru vous fera juste un sourire avec compassion en guise de bénédiction finale.