Un élève du département de musique entra dans la salle de cours. La salle de cours n'était pas aussi grande qu'un hall de musique ou qu'une salle de concert, mais un piano y était quand même déposé. Sur le piano, il y avait une copie d'une toute nouvelle partition de musique et dix élèves étaient assis à l'intérieur de la salle.
« Oh là là ! C'est encore une autre extrêmement difficile », marmonna-t-il en feuilletant les pages. Il sentait la confiance qu'il avait en jouant au piano chuter au fond du gouffre et disparaître complètement.
Cela faisait presque deux mois qu'il avait commencé à suivre les cours de ce nouveau professeur et il ne comprenait pas pourquoi le professeur adoptait cette méthode d'enseignement pour lui donner un moment difficile. Il essaya de rassembler ses esprits à nouveau et commença à s'efforcer de combattre avec ses dix doigts. Absorbé dans une totale concentration et avec les notes continues du piano, il réussissait à dissimuler le son des pas du professeur qui faisait le va-et-vient autour de la salle de classe.
Je peux me souvenir du jour du tout premier cours ; le professeur donnait à tous les élèves une copie d'une partition de musique. « Essayons pour voir ! », disait-il. Le niveau de la partition était assez élevé. Les élèves jouaient de la musique de manière non fluide, sans aucune émotion, et faisaient aussi de nombreuses erreurs. « Pas encore à l'aise avec ça, vous devez vous exercer davantage à la maison ! », recommanda vivement le professeur à la fin du cours.
Lors du deuxième cours de la semaine suivante, les élèves s'étaient déjà exercés durant une semaine, et ils n'auraient pas pensé que le professeur leur distribuait une autre partition de musique d'un niveau encore plus difficile. « Essayons pour voir ! » Le professeur n'évoqua pas les exercices de la semaine précédente. Tous les élèves luttaient de nouveau contre le défi de jouer à un niveau de difficulté encore plus élevé.
La troisième semaine, une partition de musique encore plus difficile apparut. Le professeur ne disait rien. La rumeur disait qu'il était un maître de piano très renommé. C'était probablement une fausse réputation !
La quatrième semaine, une partition de musique encore plus difficile apparut de nouveau. Le professeur dit seulement une phrase : « Mmm, moyen, moyen. » C’était probablement assez courant que les artistes n'aimaient pas beaucoup parler.
La cinquième semaine, une partition de musique encore plus difficile apparut. La même situation se reproduisit. Non seulement je savais que j'étais le plus mauvais élève, et j’en étais conscient au fond de moi-même, mais j’ai été choisi pour jouer devant les autres. Evidemment, j'étais obligé de jouer.
La sixième semaine, la même situation se répéta : une partition de musique encore plus difficile apparut. J’ai été choisi à nouveau pour perdre la face en faisant une démonstration devant les autres.
Les élèves recevaient une nouvelle partition de musique à chaque cours et n'en pouvaient plus. Ils ramenaient les partitions chez eux pour s’exercer. Lorsqu'ils étaient de retour en cours, ils devaient encore faire face à une autre partition qui était deux fois plus difficile. On avait du mal à suivre le niveau d'avancement. Tout entraînement effectué durant la semaine précédente ne leur permettait nullement de se sentir à l'aise. Les élèves étaient de plus en plus inquiets, déprimés et découragés.
Trois mois plus tard, ce n'était pas encore le temps des examens, mais je sentais qu'il y aurait un test. Lorsque le professeur entra dans la salle de classe, je ne pouvais plus m'en empêcher et je devais interroger le maître de piano. Pourquoi m'avait-il mis à l'épreuve durant ces trois derniers mois ? J'espérais que cela m'aurait évité d'être choisi de nouveau pour jouer devant les autres, et de recevoir la note la plus mauvaise de la classe.
Le professeur ne répondit pas, se tourna vers tout le monde et dit : « Aujourd'hui, il y aura un test, vous tous, vous devez imaginer que vous êtes les auditeurs et aussi les juges qui sont responsables dans l'évaluation de la performance dans un concert. Je distribuerai à chaque élève une fiche d'évaluation sur laquelle il y a quatre cases : 0-le point représente une ignorance totale, 1-le point représente un échec, 2-le point représente une note passable (moyen), 3-le point représente une bonne performance, et 4-le point représente une excellente performance. »
Il sortit la "première partition de musique" et me la donna. « Jouez ! » Il me regarda d'un air déterminé. Oh ! On nous a vraiment donné un test aujourd'hui, ma prévision était exacte, pensais-je en moi-même.
La chose la plus inattendue se produisit. J'étais moi-même aussi très étonné. J'étais subitement parvenu à jouer le morceau de musique avec une telle beauté et une telle perfection ! Le professeur me demanda d'essayer de jouer la partition distribuée lors de la deuxième leçon. Je parvenais quand même à réaliser une très bonne performance. Lorsque j'eus terminé, tous les élèves regardaient fixement le professeur et ne pouvaient dire un mot.
Le professeur rassembla toutes les fiches d'évaluation. Les dix élèves avaient chacun donné 4 points, 40 points au total. Le professeur alla prendre sa propre fiche d’évaluation qui se trouvait à côté du piano. Il la fit passer pour que les autres élèves la lussent. A part les commentaires, la note était de 59 points. Donc, le résultat du test était de 99 points !
« Si je vous avais laissé choisir et jouer vos propres partitions favorites, vous vous seriez peut-être encore exercé à la première partition que je vous avais donnée. Il aurait été impossible que vous atteigniez le niveau que vous avez maintenant », dit lentement le maître de piano. |